J'suis arrivé comme ça, éjecté d'un vagin sans prévenir ~
« C’est arrivé comme ça. C’était la crise dans mes affaires, la drogue passait plus les frontières, la neige empêchait mes putes de faire le trottoir et Moscou était sous la tempête. Alors bon, fallait se serrer la ceinture pour les deux mois à venir, et vous savez deux mois c’beaucoup quand on est chef de la famille Borovski, habitué à faire des excès exorbitants. Poutine ne me faisait plus confiance, le monde de la mafia se remplissait de newbies et la Tchétchénie posait des putains de problèmes avec ses terroristes à la con. J’étais au fond du trou, mon bras gauche venait de me trahir. Alors quand c’te pute d’une des branches de la famille du dernier Tsar a commencé à danser à poil sur mon bureau, j’me suis dit : pourquoi pas ? J’aurais jamais pensé qu’elle me foutrait un fils dans les bras…Evidemment que j’en voulais un, un pur héritier, un dur à cuir que je pourrais élever moi-même, à ma façon, pour en faire un second Hitler car Hitler et ses idéaux c’est le bien, et ça remplit le porte-monnaie avec le désespoir qu’il apporte. Donc j’l’ai pris, et je l’ai élevé à la dure, parce que c’est mon fils, parce que c’est Adolf. La mère ? Je l’ai buté quand elle a commencé à tourner autour de son gosse vers ses douze ans pour le rallier à sa cause. Quoi ? Ouais ça se règle comme ça dans le monde de la mafia mon p’tit. »
« J’pensais pas tombée enceinte, c’était un accident. J’aurais pu avorter mais finalement j’me suis dit que garder ce gosse, ça allait me permettre de me faire un sacré pactole…Quand il est né, j’l’ai appelé Micha. Pourquoi ? Qu’est-ce que j’en sais ?! Vous me faites chier avec vos questions à la con ! J’voulais une fille moi, donc je l’ai appelé Micha et bien avant d’avertir le père. Car l’autre là, avec son nazisme de merde, il voulait me l’appeler Adolf. Avoir un fils qui se nomme Adolf non mais la honte quoi dans les salons de thé de Moscou ! ‘Fin, à part ça j’ai pas dû trop m’en occuper du gosse et heureusement ! Il a grandi élevé à la dure par son paternel qui lui incluait ses valeurs de nazis là. Un vrai fanatique…J’apprenais parfois les conneries du môme. Il allait en école publique, séchait souvent les cours, et injuriait les profs, les élèves, un raciste et homophobe complet comme son père ! Il voulait lui ressembler et être digne d’être son héritier. Le padre était content d’avoir un successeur aussi doué et totalitaire pour gouverner le monde de la mafia russe. Mais le gosse a commencé à empirer, il tabassait les homo’, rackettait les malheureux et injuriait la police. A ses onze ans il a braquer une épicerie ce con…Evidemment il a été chopé lui et ses potes. Ces derniers en maison de correction et lui a été sauvé par le pognon versé de son père aux flics. Le padre avait tout de même un peu de mal à accepter ça et a commencé à l’engueuler. Lorsque les évènements en Tchétchénie et les attentats ont commencé, Poutine a phoné le padre pour l’envoyer là-bas. C’dernier a décidé d’emmener le gosse qui avait presque douze ans. Sérieux, il est taré le chef Borovski là ! Amener un enfant dans un pays aussi risqué à ce jour, c’est un coup à me le choquer à vie, et rien à foutre de son idée d’en faire un vrai héritier avec ça ! Donc après votre truc, j’vais rendre visite à Micha, histoire de régler ça… »
« Micha ? Ouais son père veut que je l’appelle Adolf, mais je préfère le nom donné par sa mère, il est moins…blasphématoire. J’aimais beaucoup la mère de Micha, voir même un peu trop, alors son gosse est devenu une sorte de fils, mais le boss n’a jamais rien su. Il m’ordonnait de veiller sur son second Hitler, voir si ses ennemis tenteraient pas de l’enlever pour faire du chantage…J’ai vu plus Micha grandir que le padre en fait. Mais son gosse me voit comme le bras droit de son père, comme un oncle et il en avait un peu rien à foutre de ce que je lui disais quand ses conneries allaient au-delà d’un certain seuil. Je ne pouvais pas lui faire la morale, il était aveuglé par la propre folie de son père et si jamais je tentais de le réveiller, il lui aurait répété et adieu le vieux Jacob que je suis…Je suis pas du genre à me jeter dans la gueule du loup, alors je priais pour que le gosse ouvre de lui-même les yeux. Il ne l’a fait que trop tard. Quand son père décida de l’amener avec lui en Tchétchénie je me suis dit que là, fallait faire quelque chose. Mais j’voulais pas terminer comme sa femme avec une balle entre les deux yeux. Même si le padre me fait confiance, son fils est son trésor le plus précieux et ce dernier le savait c’est pourquoi il abusait du pouvoir qu’il possédait sur son père. C’était effrayant de voir un enfant si jeune transformé en une machine de guerre, de tuerie et de vices. Il méprisait tout à chacun, tabassait ceux qui ne lui montraient pas de respect et se tapait dès ses douze ans des femmes plus vieilles que lui juste intéressées par l’argent du père. Micha ne voyait pas l’ampleur de la chose, il se croyait le tout-puissant, plus grand encore que son père. Envoyé un tel gosse dans un pays aussi dangereux et persécuté, c’était une manière de lui briser son rêve, et sa vie par la même occasion. Son père m’ordonna de lui apprendre à combattre quand je lui en ai glissé un mot. C’est tout ce que je pouvais faire pour le gosse ; lui apprendre à se défendre. Comme je suis un ex-capitaine de l’armée SS, j’ai quelques cordes à mon arc niveau combat rapproché. Je lui ai appris l’art de se servir de ses poings, l’art de tuer par ses mains, toutes mes techniques y sont passées et quand il m’a demandé le but de l’art combatif que je lui enseignais je n’ai pu le lui cacher et ai répondu « A massacrer tous ceux qui attentent à ta vie. »…Un sourire s’est dessiné sur son visage, malsain et sournois. J’avais peur, mais que pouvais-je faire ? Il était comme son père, et ce dernier est un vieil ami…Je les ai accompagné en Tchétchénie, pour découvrir les terroristes suspects, son père voulait tester les capacités de son fils, voir s’il était réellement son héritier. Il avait décidé de lui ouvrir les yeux, de lui montrer son monde, bref d’en faire un homme. Quelle idée à la con…Il a rien trouvé de mieux que de l’amener dans notre cachette, de le foutre dans le sous-sol là où y avait une enfant tchèque de son âge attachée à une chaise qu‘on devait torturer, suspectée d‘être une terroriste. Leurs regards se sont croisés, elle a pleuré et lui est devenu très pâle. Cet épisode de sa vie, changea Micha à jamais. Tellement que même maintenant, le souvenir des hurlements de la petite fille le hante encore et encore, avec acharnement…Il hait son père depuis ce jour. »
La torture. Il y a quelque chose d'insoutenable et de vertigineux, la destruction de l'homme à l'état pur ~
Il est bon parfois d’être averti à l’avance de notre destin, pour éviter les erreurs, pour faire mieux, pour se connaître soi-même et se préparer. Malheureusement cette chance ne nous a pas été donné, nous sommes condamnés à supporter ce que nous sommes, notre propre faiblesse. A douze ans, je me croyais surhumain, égalant même les dieux, méprisant les hommes, à douze ans je me suis réveillé d’une façon si brutale qu’elle m’envoya au fond du trou, dans la folie. Je ne suis rien d’autre qu’un homme, finalement, un humain comme les autres et peut-être même pire oui, pire que vous autres qui vous promenez dans ces couloirs, souvent en train de regretter vos agissements, espérant le jour de votre départ. Je ne dirais pas que ce que j’ai vu est pire que votre propre expérience personnelle non, mais ce que j’ai vu me cause une torture toujours présente, toujours cauchemardesque. Je vis avec cette vision du monde, je vis avec l’idée que je suis un humain, le plus humain de tous. J’ai pensé à moi, ce jour-là, pas à elle. Malgré son regard suppliant, malgré ses constants hurlements, je n’ai pas mis fin à son enfer, car j’ai seulement pensé à moi.
Elle me le répète souvent, dans mes rêves, que j’aurais du la sauver de mes propres mains.
« Je ne veux pas… Je ne peux pas ! »
Je mettais tourner vers mon père gardant son cigare au bec, dans ce sous-sol humide et poisseux, avec en fond sonore la forte respiration de la jeune fille emprisonnée. Je sentais son regard dans ma nuque, espérant peut-être que je la sauve des griffes de mon propre paternel…Il ne fit que me foutre le canon d’un flingue entre les dents, le chargeant sans hésitation. Je sentais ses yeux froids parcourant mes larmes, ces sillons apeurés tandis que je me pissais dessus. Ce jour-là, je croyais être le trésor de mon père et cette vision lumineuse et utopique que j’avais de ce dernier semblait se briser petit à petit. Je venais de me rendre compte que je pouvais être remplacé, que je n’étais rien d’autre qu’un simple enfant devant répondre à ses objectifs pour lui…Mes genoux ont touché terre, mon regard se posa sur Jacob qui baissait les yeux. Avait-il honte de celui qu’il a entraîné ? Je réalisais à quel point il avait raison d’avoir honte ; dès mon arrivée en Tchétchénie j’ai utilisé son art de combat pour gouverner les plus faibles, pour briser les vies de ces centaines de rescapés, juste parce que je me pensais la réincarnation d’un dieu vivant, d’un dieu qui n’était qu’un démon…
« Si tu ne le fais pas, c’est toi qui y passe. Hitler n’avait aucune pitié et aucune hésitation, veux-tu me décevoir ?! Cette fille est une terroriste, cette fille a mis une bombe dans le Kremlin ! Poutine m’a ordonné de lui soutirer des aveux, mais je pense que cette tâche doit t'être assignée. Torture-la et je te considérerai toujours comme mon héritier…Mais avant change-toi, tu pues la pisse ! »
Mon regard se fit vide, en revenant. Mon regard se plongea dans celui de cette enfant qui devait avoir mon âge, peut-être plus. Tandis que je m’approchais, je sentais sa peur dans sa voix, cette dernière montant peu à peu dans les aigus durant ma longue marche. Je commençais à douter des idéaux de mon père, je commençais à ouvrir les yeux et ce que j’apercevais m’étranglait. A cet instant, j’ai su que c’était elle ou moi, cette enfant gitane ou le monstre aux couteaux. Son hurlement me hante encore, ses pleurs frôlent toujours ma peau et son sang humidifie mon palais…C’est bien plus qu’un souvenir, bien plus qu’un cauchemar, c’est une réalité constante qui m’étouffe, une enfant fantomatique me rappelant dans mes songes que je suis la cause de sa souffrance. Je ne peux le nier, je ne le nie pas et je vis avec ce profond regret d’avoir été égoïste en sacrifiant sa vie pour sauver la mienne.
J’ai d’abord usé de poings américains améliorés, de telle sorte que des piques lacèrent sa peau. Elle hurla dans sa langue des syllabes incompréhensibles. Je ne l’écoutais pas non, j’attendais juste que mon père me dise que c’était terminé, que le carnage devait cesser. Le pourpre inondait le sol, le rubis mes vêtements et ses larmes mélangées aux miennes ne pouvaient rien contre le flingue que pointait mon paternel sur ma nuque.
« Dis-moi si c’est toi qui a posé la bombe ! »
Un nouvel hurlement. Une nouvelle frappe.
« Dis-le moi ! »
Elle prononça les mêmes mots dans sa langue, dans un sanglot, sa joue complètement déchiquetée. Un plateau trônait près de moi, soigneusement posé…J’y ai pris un outil, je l’ai pris et je lui ai arraché les ongles, un par un, lentement, m’enfermant dans une bulle pour ne pas m'arrêter. J’aimerai lui dire que je suis désolé, j’aimerai lui dire que je n’avais pas le choix, seulement ce ne serait que mensonge ; j’ai eu le choix et je ne regrette qu’à moitié ; sans ce sacrifice je serais mort aujourd’hui et sans son regard accusateur planté dans le mien inanimé, je serais encore et toujours cet enfant qui se prenait pour dieu, cet "héritier" sans scrupules.
Combien d’heures se sont écoulées ? Le jour ne passait pas dans ces caves rocheuses, ni même le bruit. Elle pouvait hurler et moi la torturer autant qu’on le souhaitait, personne ne nous aurait entendu, personne ne nous aurait sauvé. Chaque canine, chaque molaire fut déposée dans une assiette finement sculptée, en porcelaine. Son sang goutait sur sa peau. Je lui ai arraché son haut, je lui ai attaché une corde autour du cou, reliée à un système de poids.
« Dis-le moi ! »
Toujours ce même langage étranger, toujours ces mêmes syllabes finalement étranglées tandis que les poids resserraient la corde autour de son cou, lui coupant la respiration. Rien à faire, non, rien. Alors, je lui ai coupé les doigts. Un par un. Lentement. Un bidon d’acide fut versé sur les moignons, malencontreusement. Ses cris continuèrent, plus aigus, ses sanglots agrémentés de ses déjections. Allez Micha, c’est bientôt fini, après tu pourras te régaler de bons loukoums puis t’endormir dans tes draps en soie…
« Dis-le moi ! »
Je la suppliais presque, j’aurais voulu mentir pour elle, mais le canon en métal semblait toujours pointer sur ma nuque ; si je faiblissais je mourrais, alors j’ai continué, encore et encore. Son sang remplissait la pièce baignée dans une délicate lueur cendrée, ironique n’est-ce pas ? Une seringue se planta dans son bras, de l’essence jaillit dans ses veines. La souffrance fut plus atroce, et elle continua à répéter ces mêmes intonations dans sa langue. Elle haleta, un peu, puis beaucoup avant de s’évanouir. Je lui ai tiré une balle dans le genou ; elle s’est réveillée. Ses pupilles tremblaient dans ses iris, son sang caressait ses lèvres boursouflées. Et pourtant, j’avais plus l’impression que c’était moi le torturé et elle le bourreau…
« Dis-le moi ! »
Elle répétait encore les mêmes syllabes, cela en devenait presque une poésie. Je lui ai arraché les rotules avec un scalpel, lentement, telle une danse. Moi aussi je continuais de lui hurler cette demande dans ma langue, elle aussi ne devait pas me comprendre. Le scalpel envoya valser ses carpes sur les murs. Peut-être que finalement c’était une façon sexuelle de s’affirmer ? Peut-être que finalement c’était mon âme sœur et que je lui montrais mon amour ainsi ? Peut-être que finalement j'étais juste un gros con ?…
« Dis-le moi ! »
J’ai planté une barre de fer dans sa cuisse gauche, une barre de cuivre dans sa cuisse droite. Je les ai relié au courant. J’ai allumé la lumière. Elle trembla, ses veines ressortant peu à peu, sa langue déchiquetée par ses dents. Mais finalement, elle répéta toujours les mêmes mots. J’ai éteint la lumière, puis je l’ai rallumé. Elle hurla et finalement se tut. J’allais pour recommencer, mais une main se posa sur mon épaule, me sortant de mon hypnose, me ramenant à cette sombre réalité. Mon père me souriait,fier, tandis que Jacob faisait signe à des hommes d’emmener l’enfant dans la pièce d’à côté en la trainant au sol. Elle restait silencieuse, les yeux vides, tout comme moi. Je crois que mon père me félicitait, de quoi ? D’avoir réussi à briser sa vie certainement.
« Vous l’emmenez où ? » « A son destin, tout comme toi, Adolf ! » « Je n’ai pas réussi à lui faire avouer quoique ce soit. » « Elle n’avait rien à avouer. »
Mes yeux quittèrent ceux de la fille pour se planter dans les iris de mon père. La porte se referma, les hurlements recommencèrent. En même temps qu’ils tonnaient dans cette pièce inconnue, mon regard s’agrandit, en même temps qu’ils torturaient mes oreilles de la dure vérité, les mots étrangers de la torturée me revinrent en tête, en même temps qu’un coup de feu retentit, je pus finalement les décrypter. Je ne sais pas, je suis innocente. Je ne sais pas…Je suis innocente…
Já nevím...Já jsem nevinný !
Il est tombé, il est tombé...Les enfants trébuchent, les enfants saignent, les enfants pleurent mais finalement tous lèvent leur regard vers le ciel pour voir le visage rassurant d'un père ou d'une mère, d'une affection les poussant à se remettre sur leurs jambes. Smoke n'a vu que le vide, Smoke est devenu un adulte en tombant pour la première fois de son piédestal et Smoke s'est relevé sans l'aide de personne. Seul ? Peut-être, mais ça ne l'empêche pas pour autant de respirer pour elle.
« Oui c’est encore moi, Jacob. Mais que voulez-vous, on ne peut pas changer le padre Borovski ; c’est son fils et seuls lui et moi pouvons entrer dans cette chambre d’hôpital. Une seule infirmière, un seul docteur, quatre gardes du corps devant la porte et deux sous la fenêtre, l’étage le plus haut. Comment en est-on arrivé là ? Comment Micha a-t-il pu devenir un enfant perdu entre la vie et la mort ? A cet instant, j’étais le seul à pleurer, à pleurer le risque qu’il pourrait y passer. Son père se souciait juste d’Adolf, juste de la représentation de son fils…Merde, c’était un enfant. Pourquoi l’avoir obligé à torturer cette tchèque ?! Il l’a juste poussé trop tôt dans notre système de tueries et de vices. Il lui a juste ôté le voile de l’innocence en arrachant un morceau de peau au passage. Si le paternel regrette ? Vous savez au moins de qui on parle ? Pour lui c’était un devoir que de montrer à son fils ce qui l’attendait en tant que son héritier…Et depuis, je le sais, pour Micha, mon ami n’est plus un père, il est seul et il ne me demandera jamais de l’aide pour le sortir de ce trou. Après qu’on est tué la petite, le gosse a pété un plomb, mais un gros. Il commençait à hurler, à vouloir étrangler son père, hurlant que c’était sa faute, qu’il l’avait obligé. On l’a repoussé et on a tenté de l’immobiliser ; sans réel succès. En quelques secondes, l’un de mes hommes a eu l’épaule pétée et l’autre la tête fracassée contre un mur. Micha était couvert de sang, seul moi continuait comme un forcené de le bloquer face contre terre. Le garde du corps du padre emmena ce dernier à l’abri, pour qu’il ne se fasse pas blesser par son propre fils devenu une bête…Immonde. Je le sentais, qu’il était brisé, qu’il suffoquait à l’intérieur et qu’il voulait seulement tuer cet homme puis se jeter d’un pont ensuite. Il s’en voulait tellement que c’en était palpable. Il se libéra d’un coup de coude de mon emprise et s’enfuit…J’aurais dû m’y accrocher encore un peu, c’est ma faute, il n’a suffit que d’une seconde…Pour que sa vie soit gâchée à jamais, pauvre enfant. Il est sorti de la base en courant, un fort blizzard soufflait ce soir là et ça faisait bien une journée entière qu’il avait torturée la défunte. Il a couru dans la neige, sans se soucier où est-ce que ses pieds le portaient. J’étais derrière lui, avec son père. J’avais vu la forme noirâtre sur la route, arrivant à toute vitesse sans remarquer le gosse qui s’approchait de la chaussée…Le gamin s’est arrêté sur la route, le camion a tenté de freiner. Micha a tourné la tête dans ma direction, il me fixait de ses grands yeux verts embués de larmes, couvert de sang. Il m’a fixé et j’ai lu dans ce regard cette supplique : Sauve-moi. Il s’est fait percuter par le camion. Il roula sur plusieurs mètres, des os brisés, l’estomac perforé et une ouverture sur la tempe qui lui causa une commotion cérébrale le plongeant dans le coma. Le choc avait atteint une partie de son cerveau, infime mais qui changea sa vie plus qu’elle ne le semblait déjà. Il ne ressent plus rien physiquement parlant ; tous ses nerfs ont l’air paralysé, ils ne transfèrent plus les données de la souffrance ou même du tactile. Un baiser sur la peau, une caresse sur un bras et une fourchette dans le ventre ; Micha à son réveil ne ressentirait plus jamais ce genre de choses. Il avait combien de chances de survivre ; une chance sur deux ? On l’a transféré dans un hôpital russe de renommée, son père et moi restaient à chaque instant près de lui, moi je lui parlais, le padre fumait en le fixant d’un regard non pas empli de remords mais de rancœur…On a fêté ses treize ans dans cette chambre, une bouteille de rhum dans la main. Et au bout de trois mois, il a disparu. J’ai ouvert un œil un soir, son père et moi nous étions assoupis. Je n’ai vu qu’un lit vide et défait, il n’était même pas chaud…Micha était parti sans laisser de trace. Micha avait fugué avec, en convertissant l’argent, dix milles euros que gardait toujours son père sur lui. Borovski fulminait, il lança des recherches partout, bloqua les gares, les aéroports, inventaient des stratagèmes pour que la police russe et même la douane le recherchâmes, non pas parce que c’était son fils, mais son Hitler…On ne l’a jamais retrouvé, il s’était volatilisé de l’Europe. Et vous savez tout comme moi que le monde est bien trop grand pour le passer au peigne fin en une nuit…Pourtant le padre n’a pas abandonné non, il a relevé le défi et il s’est juré de retrouver son enfant, la chair de sa chair. J’aimerai retrouver Micha avant lui, pour qu’ils ne s’entretuent pas…J'aimerai le prendre dans mes bras et lui permettre de recommencer sa vie. J'aimerai pouvoir l'embrasser comme un père embrasse son fils, afin qu'il m'excuse, afin qu'il me pardonne de ne pas l'avoir sauver...Mais il est trop tard.»
Le regard indifférent est un perpétuel adieu ~
« Smoke a débarqué comme ça dans nos vies. On avait deux ans de moins que lui. C’est Peta qui l'a rencontré en premier, il l’a sauvé de deux mecs qui tentaient de la violer tard le soir. En même temps quelle idée de se balader en mode pute à deux heures du mat’ dans New York…Moi ? Je suis Brainy, vous m’avez entendu tout à l’heure parler de ce que je pensais de la mentalité de Smoke. Bon, mon vrai nom est Camille, je suis le frère d’Hannah alias Miss Flingue et le cousin de Maria surnommée Peta. Ces surnoms nous ont été donnés par ma sœurette, pour qu’on se rapproche plus de Smoke et afin de se coller à l’image de notre gang : les Teletubbies. On avait comme leader ce russe. Il avait quinze ans et nous treize, n’empêche qu’il faisait vachement plus, et on n’arrivait pas à lui faire confiance…Seule Peta a été assez niaise pour la lui donner. Au début, on n’était que tous les trois et nos vies, c’étaient pas la joie, on peut dire qu’on était suicidaires ouais. Après la rencontre avec Smoke tout a changé. On a trainé ensemble, on s’est fait renvoyés de notre bahut pour rester à ses côtés, tels des hors-la-loi. Un jour, t’as des types qui lui ont voulu des noises, Smoke n’avait rien fait, c’était juste son regard un peu assassin qui attirait les chercheurs de merde. On s’est précipité pour l’aider, il les a rétamé tout seul. C’était surprenant, et bizarrement on s’est dit qu’il valait mieux garder une certaine distance avec lui…En tout cas, ses yeux nous le disaient, ils étaient indifférents et en même temps remplis d'une étrange menace. Je crois que j’étais le plus proche de Smoke ouais, et celui qui le comprenait le mieux, je l’ai déjà dit mais je le répète. Il a commencé à sortir avec Peta deux mois après leur rencontre, si on peut appeler ça sortir…Peta était dingue de lui mais il répondait jamais à ses déclarations, il restait toujours silencieux. Je voyais bien qu’Hannah avait du mal à supporter ça mais elle se taisait car elle adorait sa cousine. Deux mois plus tard, on a fait notre premier cambriolage dans une petite maison. Smoke voulait y aller seul, mais on l’a accompagné histoire de…Remarque il nous a jamais dit d’aller nous faire foutre. On est passé au vol à mains armées, d’autres trucs du genre ; on aimait l’adrénaline et on ne pouvait plus rentrer chez nous. Donc on a continué…Tous ensemble. Finalement, on a participé à une guerre de gangs, on était réputés certes, mais certainement pas les plus forts héhé. Chacun avait sa fonction : j’étais le cerveau et je confectionnais des tactiques pendant les attaques de gang, Hannah était douée avec les armes à feu, Peta lançait bien les couteaux et Smoke semblait le pire des mecs au corps à corps…En clair on bastonnait bien. On trouva comme planque une vieille entreprise désaffectée, Smoke dormait dans un studio et parfois nous finançait les nôtres quand on le lui demandait - ce qui n’était pas toujours une partie de plaisir. On ressuscitait en fait…Ouais, on ressuscitait. »
« J’suis Peta, la chieuse de service d’après certains. Ouais, allez vous faire voir, rien à foutre des autres. Bon, j’suppose que je dois relayer Brainy hein, vu qu’il est pas foutu de continuer à raconter nos parties de cons avec ce salopard de Smoke ! Pff…Sérieux, c’type j’l’aimé mais maintenant je le hais pire que ma grand-mère ! Je suis furieuse contre lui, furieuse du fait qu’il met caché ses origines…Ouais j’saute des étapes, roh vous m’emmerdez aussi… Bon bah, comme l’a dit Brainy, Smoke et moi on sortait ensemble, tous les quatre on participait à une guerre de gangs et en même temps on faisait dans le cambriolage, le vol etc…Personne savait notre planque, on était doués j’dois l’avouer. Bon après, t’avais des clans rivaux qui eux aussi se faisaient entendre à la télé. Parfois j’me marrais et je tentais de faire en sorte que les Teletubbies soient les plus connus de tous pour leur pute personnelle. Donc à chaque fois qu’y avait la télé, j’me mettais en soutif’, ça dérangeait pas Smoke - et j’dois avouer que ça m’énervait il pouvait au moins montrer une once de jalousie ! Mais nan que d’al’ pff, cœur de pierre… Souvent j’le quittais en pleine nuit, ou soirée, je pétais des câbles à cause de son comportement et de sa manière de ne PAS me regarder. Sérieux j’avais pas l’air d’exister pour lui…Peta ne faisait pas partie de la bande en fait ? Un jour, j’ai claqué la porte en lui hurlant pour la millième fois que c’était un salop sans cœur et que je le détestais, pour me mener dans un bar du coin afin de me saouler. Avoir une relation saine avec Smoke ? Impossible, je sais même pas comment j’ai pu le supporter aussi longtemps…Il est, comment dire, insupportable ? Il ne montre pas d’affection, il ne m’en a jamais montré, mais il se gênait pas au pieu, même si c’était moi qui ouvrait les jambes pour accueillir ce pétard de fils de chienne ! Enfin passons les détails… A c’bar, c’était une fois de trop, et en jupette ultra courte et soutif à peine voilé, fallait bien que quelqu’un m’accoste. Généralement j’envoyais bouler mais là ils m’ont trainé dehors. J’ai hurlé le nom de mon leader, il n’est pas venu, remarque j’aurais dû m’en douter, il a pas de GPS intégré pour me retrouver en cas de problème comme dans les films américains, tss sérieux Smoke tu gères pas…Surtout que c’te fois c’est une nana aussi ’tite qu’une mioche qui m’a débarrassé de ces deux costauds. Elle faisait partie d’un autre gang, je m’en suis rendue compte quand elle s’est retournée ; mais de dos on aurait dit une gosse j’vous jure ! Emma qu’elle s’appelle, elle m’a sourit et a séché mes larmes, j’étais assez choquée mais j’lai bien cherché ouais…Après ? Bah, on s’est promenées toutes les deux dans une rue branchée pour du shopping, je lui ai parlé de mes malheurs ; curieux ça d’ailleurs que je me confie à une inconnue au visage connu…’Fin, elle est marrante la Emma, elle me fait bien triper, dommage qu’elle se soit fait prendre là, c’sérieux j’aurais voulu faire des conneries avec elle ! On a croisé Hannah, ou encore Serpentard comme je la kiffe l’appeler avec sa manie de tourner autour de Smoke avec ses grands yeux innocents…Pétasse ! Bon, reprenons. J’ai fait genre que c’était ma cousine chérie, je lui ai présenté Emma même si elle la connaissait déjà et puis on a fait un bout de chemin ensemble. Comme d’hab’, je suis rentrée dans la centrale désaffectée mais Smoke n’était plus là, ni sa guitare d’ailleurs. Merde, j’aurais voulu l’écouter faire son son et ses partitions, histoire de me réconcilier avec lui, soit me ramener pour l’embrasser sur la joue ouais…Sans espoir de réponse. Connard. Heum, quoi ? Nan j’ai rien dit ! Vous saviez pas ? On voulait faire des Teletubbies un groupe de rock après un dernier super casse, cependant on attendait l’accord de Smoke mais il disait jamais rien. Brainy aux percussions, moi à la basse, Hannah dans les chœurs ou vice versa et Smoke en chanteur avec sa super guitare électrique, sérieux on aurait déchiré de notre race, yeah ! Bon, on n’a pas eu le temps…Sale salopiot de fumeur. J’voulais revoir Emma, j’arrivais à respirer et à oublier mes problèmes en sa compagnie, elle a un don c’te meuf’ sérieux ! J’la kiffe bien malgré ses airs d’imbécile…Ouais pour moi, elle a l’air d’une imbécile heureuse mais ça plait ce genre de meuf ! On se demande juste ce qu’elle fout dans notre monde de violence et de délits quoi. Bah j’vais pas m’en plaindre ! J’la revoyais souvent, Hannah nous accompagnait parfois, on faisait en sorte que personne ne le sache. Toutes les trois on faisait du shopping ou bien on papotait dans l’ancienne déchetterie etc…’Fin, c’était cool quoi, j’oubliais Smoke quand Emma était là, et je pouvais lui raconter un tas de conneries sur ce mec de merde ! »
« Ah, Smoke ? Hum…Oui, on peut dire que je l’ai connu, j’essaie de ne pas voir les choses en noir comme mon frère et ma cousine. Smoke n’est plus là, c’est triste mais il faut relativiser ; il nous a aidé à nous en sortir pourtant il n’allait pas nous tenir la main jusqu’à la fin…J’ai un peu suivi son procès, je dois avouer que j’ai été surprise du poids de son casier judiciaire mais il y a des choses qui, je trouve, ne collent pas avec la personnalité du Smoke que j’ai connu. Torture et non respect des Droits de l’Homme ? Smoke ne torture pas, Smoke ne juge pas, alors je ne peux pas croire au fait qu’il ait pu faire ce genre de…choses. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi son père l’a mené en justice ? N’est-il pas justement son fils ? Il devrait le protéger et non pas l’enfoncer…Je ne comprends pas le monde de Smoke mais il m’a l’air bien sombre. J’ai été la seule de nous trois à suivre le procès et à m’y être présentée, non pas en tant que témoin mais en tant que spectatrice. J’ai vu la vidéo diffusée par l’avocat de l’attaque, celle où l’on voit Smoke torturer cette…enfant. Sur le coût j’ai cru que j’allais vomir, mais je suis restée assise, derrière Smoke, derrière cet homme au regard assassin qui ne disait mot, laissant son avocat se dépêtrer dans les mailles du filet. On remarquait bien le revolver pointé sur la nuque de cet enfant aux cheveux blancs, on voyait bien ce bras mais c’était tout. Qui le menaçait de le tuer s’il ne faisait pas parler la gamine ? J’aurais aimé le savoir…Je le demande parfois à Smoke, vu que je lui envoie souvent des lettres là où il est incarcéré pour une durée indéterminée. Il ne me répond jamais, j’espère seulement que tout va bien pour lui…Je lui donne des nouvelles de Peta, même si on ne s’entend guère mieux depuis le départ de notre leader. Elle ne parle plus, elle ne sort plus, elle ne sourit plus, son regard est toujours accusateur, c’est assez effrayant. Bon, je saute des étapes là…Revenons à quand je traînais avec Emma. Vous savez, je n’ai jamais compris la manière de penser de Peta, et encore moins celle de Smoke. Je me demande toujours comment elle a pu ne pas se rendre compte qu’elle traînait avec une naine assez…dangereuse ? Les mecs qu’a dégommé Emma étaient trois fois plus grands qu’elle, sérieux, c’est une super héroïne ?! Peta lui faisait confiance, Peta lui parlait comme elle parlait à Brainy ou moi, en l’injuriant de tous les noms. J’aurais évité à sa place, histoire de ne pas perdre un bras. Au début, j’étais méfiante envers Emma, puis je me suis bien vite entendue avec elle. Cette fille est un peu lunatique, cette fille est jolie mais elle ne se sert pas réellement de sa physionomie pour charmer, au contraire de Peta. Elle ne se met pas en valeur et je trouve qu’on a beaucoup de points communs. En fait j’ai l’impression qu'elle me comprend bien qu'elle ne me connaisse pas en totalité, mais est-ce que moi je la comprends ? Très bonne question…J’aimerai croire qu’elle, à la différence de Smoke, elle ne me tournera pas le dos, j’aimerai croire que Emma est l’une de ces personnes auxquelles je peux confier un peu de ma souffrance en espérant qu’elle en fasse bon usage. Je lui ai confié mes sentiments envers Smoke, ma façon de toujours l’éviter quand il est en présence de Peta. Cette dernière l’aime, c’est indéniable, et je ne veux pas détruire ma cousine, je ne veux pas foutre des emmerdes entre eux…J’ai confié mes peines de cœur à Emma et vous savez ce qu’elle a fait ? Elle m’a sourit de son plus beau sourire et m’a prit dans ses bras ; j’ai pleuré à cet instant. Comme j’ai hurlé ma peine dans ses cheveux lorsque Smoke s’est fait prendre…Ce jour-là, Peta pleurait effondrée au sol, Brainy avait les larmes aux yeux et moi j’observais Smoke se fait emmener par ces hommes en noir, dans la fumée qui se dégageait de son studio. Je n’ai pas versé une seule larme, mais lorsque j’ai vu Emma le soir même, dans la déchetterie, lorsqu’elle a remarqué cette noirceur dans mes iris, j’ai fixé ses petits bras se tendre vers moi et ses lèvres me chuchoter : Pleure, tu peux pleurer ici. J’ai pleuré, toute la nuit, tellement que son vieux t-shirt en devint transparent. Emma n’a jamais revu Peta après ce jour-là, il n’y avait plus qu’elle et moi. Je ne pense pas que j’étais à ses yeux une meilleure amie, mais elle l’était pour moi…Je lui ai raconté ma rencontre avec Smoke, je lui ai raconté ma vie, bref tout. Et mes doutes, oui, mes doutes quant à notre leader disparu ; quand son regard se plantait dans le mien, quand je sentais cette lourde pression sur mes épaules, j’avais l’impression de comprendre Smoke, ai-je tort Emma, de penser ça ? Ai-je tort de m’accrocher à l’espoir de le revoir ? Quand elle est partie, je me suis sentie seule, encore et toujours, et même maintenant sa présence me manque…Emma, j’espère que tu vas bien, là où tu es, j’espère que tu penses tout comme moi aux moments qu’on a passé ensemble, à rire et à m’écouter chialer. Je me rappelle du début de notre amitié ; je n’étais pas très engagée dans le gang des Teletubbies, je souhaitais faire mes preuves. Notre lieu de résidence ne semblait pas très esthétique, j’ai voulu le customiser mais je ne suis pas très douée pour les tags, seulement pour les dessins, ça me rappelle d’ailleurs une tragique histoire…Reprenons ! Je connaissais les talents de la petite blonde dans ce domaine, alors je lui ai demandé en cachette ce minuscule service, ne souhaitant pas en informer Peta. Elle devait taguer l’un des murs de l’usine désaffectée, histoire de rendre celle-ci plus jolie. C’était justement un jour où Smoke n’était pas là, ni Brainy, ni Peta. Nous avons commencé, je surveillais les environs tandis qu’elle dessinait. Sauf que je n’avais pas prévu deux choses, deux choses qui allaient mettre notre plan à l’eau…De un, Smoke était là, certes très loin mais tout de même là. Et de deux, son odorat est sur-développé, la somme donne donc ? Smoke arriva, à peine avait-on commencé, j’ai hurlé à Emma de courir se cacher pour qu'elle ne se fasse pas prendre. Seulement elle ne m’avait pas entendu et tandis que je me réfugiais derrière un mur, Smoke s’approcha d'Emma, qui heureusement portait une combinaison. Son bras couvrait sa bouche et son nez, ses yeux plissés par ses éternels maux de tête liés à une odeur trop forte mais lui donnant plus un air de tueur à gages que d’habitude…Je me suis dit que c’était fini, que cela allait se terminer en bagarre. Emma s’est retournée et sursauta en remarquant que quelqu’un d’autre avait pris ma place. Elle a lâché la bombe et à lever les mains jusqu’à son masque à gaz, en signe d’innocence pour finalement fuir à toutes enjambées. Smoke ne l’a pas poursuivi, heureusement d’ailleurs…Sa migraine lui a fait mettre pied à terre et je l’ai retenu avant que sa tête ne fracasse le sol pour le mener loin de la source d’odeurs. Évidemment, il piqua une crise plus tard, bien que je ne lui fis pas part que c’était mon idée…Il fracassa une chaise contre un mur, puis resta deux jours sur son canapé, l’œil plus que mauvais en frappant tous ceux qui tentaient de le fixer trop longtemps. Je me suis excusée auprès d'Emma et on ne tenta plus rien de ce genre. Un jour, Smoke m’a demandé un service, c’est l’évènement qui me parut assez malheureux bien que moindre après son départ…Il m’a convoqué, je me suis assise face à lui et il commença à parler, plus que d’habitude : tu vas me dessiner un animal qui te fait penser à moi, à nous tous. Il a enlevé sa chemise et m’a montré son dos, j’ai baissé les yeux en remarquant le signe nazi déjà tatoué. Un nouveau tatouage ? Un tatouage en forme de S ? Pourquoi ? Il en avait déjà tellement…Dès son arrivée à New York, il ressemblait à un oiseau de mauvais augure avec sa haute stature, son épaisseur musculaire et les multiples tatouages recouvrant son torse peu couvert. Tiens d’ailleurs, information qu’a oublié Brainy ; Smoke porte une chemise l’été, voir même rien tellement il a chaud, et l’hiver il referme sa chemise et porte un sweet…Dingue non ? Je ne sais pas comment il fait pour ne pas avoir froid, et surtout pour se montrer ainsi. Reprenons ; finalement j’ai croisé son regard qui m’ordonnait de ne rien dire à personne. J’ai grimacé, effrayée à l’idée que mon dessin ne puisse pas lui plaire et en même temps fière de constater qu’il reconnaissait là mon talent d’artiste. Seulement je n’avais aucune idée…Alors j’ai raconté à Emma ce que m’avait raconté Smoke, en omettant le fait qu’il s’agirait d’un tatouage en lien avec le signe nazi…D’ailleurs pourquoi cet emblème si provocant ? Il faudra que je lui demande dans ma prochaine lettre. Emma m’a sourit quand je lui ai fait part de ma peur de décevoir Smoke, puis on a continué sur une autre conversation histoire de me changer les idées. Je crois que j’étais en train de différencier les haricots rouges des haricots verts et du fait qu’ils donnaient de fortes flatulences à mon petit frère quand elle m’a coupé pour juste dire : Un dragon, tu n’as qu’à dessiner un dragon. L’idée me semblait pas mal, seulement Emma a toujours le chic pour me surprendre avec ses phrases qui n’ont ni queue ni tête… J’ai voulu dessiner un dragon asiatique, en demandant à Emma de garder sous clef le fait qu’elle m’avait fortement aidé à faire ce dessin…J’ai fait quelques esquisses et puis finalement, elle s’est occupée du reste, en écoutant mes directives et mon idée de la mentalité de Smoke. Quand j’ai montré à ce dernier le résultat, il n’a eut aucun sourire, il a juste pris le papier et s’est retourné en me faisant un signe de main, ce qui signifie : Merci, je te revaudrais ça. Je fus atteinte d’une étrange euphorie…Et puis finalement un tatoueur de renommée était déjà présent, Smoke sur le ventre attendit quatre heures avant que le tatouage ne fut totalement fini, et je dois avouer qu’il me plaisait bien…Seul le signe nazi ne me disait rien qui vaille. Et j’avais bien raison… »
« Le jour où Smoke a disparu fut la fin de notre relation et la profonde blessure d’une vérité à semi-cachée ; nous n’avions jamais connu cet homme, jamais. Ce fut un vendredi, je m’en souviens encore, il avait bientôt dix-huit ans. Je me rendais vers son studio pour la seconde fois, avec Peta et Hannah, en pleine après-midi. Rien ne nous avait préparé à voir des hommes en noir nous mitrailler avec de gros calibres. On s’est réfugié derrière un mur et dans le reflet d’une voiture j’ai pu remarqué le vieux studio de Smoke en feu…J’ai hurlé son surnom en l'apercevant en train de sortir en toussant, tentant de frapper un homme aux cheveux blancs qui souhaitait l’immobiliser. Il aurait mis moins de temps à le faire si Smoke n’avait pas été aussi faible…Les coups fusaient de partout puis Smoke hurla quelque chose et ils cessèrent. Je n’avais jamais entendu Smoke parler une autre langue que l’américain, il nous avait dit qu’il ne parlait pas le russe et je l’entendais bavarder avec un grondement au fond de la gorge à son interlocuteur qui le tenait toujours par les poignets, dans cette langue avec une fluidité incroyable. On est sortis de notre cachette, Peta hurlait son surnom tandis qu’un autre inconnu sortait de la voiture, cigare au bec. Il tendit les bras à Smoke et ce dernier se débattit avec un regard…digne d’une bête en cage. Je suis certain que les mains libres, il les aurait tendu pour étrangler cet homme. Je pus entendre clairement le nom que prononça l’homme au cigare : Adolf. Alors comme ça, il s’appelait Adolf, hein ? Pas Smoke ? Pourquoi cela me surprenait-t-il ? Peut-être parce que je venais de me rendre compte qu’il ne nous avait jamais dit son prénom, ni son nom…Lorsqu’ils nous remarquèrent, ils commencèrent à fourrer Smoke dans le coffre, lorsqu’ils nous remarquèrent, Peta hurla à plein poumons en courant après la voiture qui accélérait à toute vitesse, lorsqu’ils nous remarquèrent, Smoke ne nous adressa pas un regard…Peta s’écroula au sol, ses larmes pleuvaient sur le mortier. Hannah se tenait debout, raide, le regard vide, toujours en train d’observer la voiture partant au loin. Moi ? Les larmes aux yeux, je posais une main sur l’épaule de Peta hurlant ce nom, hurlant cet amour que Smoke avait finalement brisé par son départ précipité… »
Smoke, salooooooooooop !!!!
Finalement, on ne l‘a pas connu c‘type, tout ce temps passé à ses côtés n'était qu'éphémère...
Le padre Borovski me fit du chantage ; il avait filmé tous mes agissements par je ne sais quels moyens ; la torture, la violence, les diffamations, et des preuves suffisantes pour m'inculper avec mes vols et mes braquages...Si je n'acceptais pas de devenir son héritier, il me mènerait en justice et m'enfermerait jusqu'à ce que je change d'avis. J'ai refusé tout bonnement. de par les vidéos, il réussit à me faire entrer dans l'une des "pires prisons pour jeunes" du monde. J'avais seize ans, et je n'ai toujours pas changé d'avis. Et puis...Deux ans après, cet homme que je prenais pour un oncle, il est arrivé. Il est arrivé et il m'a sorti de là, m'offrant un compte en banque plus que nécessaire, un compte caché de mon père pour subvenir amplement à mes besoins. Par avion privé, il m'amena à Tokyo, où il voulait que je continue mes études. J'ai travaillé mon japonais comme je le pouvais, dans un appartement que je gardais secret, dans Tokyo. J'ai monté un groupe de rock, moi en tant que chanteur et guitariste. Ça a bien marché, j'étais mondialement connu dans le monde de la musique, du cinéma, un peu moins au japon et pas vraiment en Russie, histoire de ne pas me faire choper par le padre. Oui, je me cache de mon propre paternel...Mais qu'il ose remontrer sa face, et je lui foutrais la tête au carré, je le tuerais de mes propres mains. Je suis toujours dans ce groupe de rock, nommé Apocalypse, mais on a dit qu'on devait continuer nos études, donc nos concerts et autres chansons sont en stand-bye. Finalement, je suis entré dans le pensionnat Hina, histoire d'obtenir un diplôme, avant de reprendre ma carrière de musicien, histoire de pouvoir subvenir à mes besoins pour que mon père ne vienne plus me faire chier...J'espère seulement que ma couverture ne sera pas dévoilée, et que le groupe de rock dans lequel j'étais n'est pas trop connu à Tokyo, après tout, on n'est pas les meilleurs. Je continue de composer de nouvelles chansons, de jouer dans l'appartement que j'avais à mes besoins, de voir le bras droit de mon père, parfois. Un de ces quatre, le groupe et moi on fera un petit concert à Tokyo, j'suis sûr ce sera marrant...Ouais, j'en suis certain.
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âge • 17 ans prénom ou pseudo • /// sexe • Escargot tout chaud ♫ comment as tu connu le forum ? • Dis bonjour à Top Site présence • Ca dépend de mon lycée. autre chose ? • Pour les musiques du groupe Apocalypse cité, j'utilise celles de Muse et parfois de Linkin Park, pour informations =) Histoire de donner les droits d'auteur. Et la voix de Micha est celle de Matt Bellamy de Muse, pour donner un petit aperçu hein. code du règlement • Validé by Akito.
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Dernière édition par Akito Ogawa le Mar 18 Sep - 23:47, édité 10 fois (Raison : Code)
Sujet: Re: Micha Adolf Bukovski, beautiful music [terminée] Lun 17 Sep - 15:48
Mary Rosewood
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Messages : 1934 Réputation : 1053 Date d'inscription : 02/09/2012 Age : 28 Localisation : Sur le cheval blanc d'un dénommé Prince Charmant.
Carte d'identité Chambre: 1o1 Orientation: Bisexuelle Friendlist:
Welcome ^^
Bienvenu au Pensionnat ! Ravie de te rencontrer :3
Très belle présentation ~
Au plaisir de te revoir sur un RP ou la Cb (:
Bonne continuation ~
Sujet: Re: Micha Adolf Bukovski, beautiful music [terminée] Lun 17 Sep - 17:44
Invité
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Welcome =D
En voyant ton caractère, ton physique et ton histoire j'ai peur de la taille de tes RP's xD
Sinon très jolie présentation =3
Sujet: Re: Micha Adolf Bukovski, beautiful music [terminée] Lun 17 Sep - 19:34
Caden Minagawa
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Messages : 2576 Réputation : 935 Date d'inscription : 31/08/2012 Age : 28
Carte d'identité Chambre: Orientation: Hétérosexuelle Friendlist:
Bienvenue, très jolie présentation !
J'espère te voir bientôt sur la Cb et dans un Rp.
Sujet: Re: Micha Adolf Bukovski, beautiful music [terminée] Lun 17 Sep - 22:14
Invité
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MORE ?
Bienvenue
J'aime beaucoup ta présentation et je trouve ton personnage très intéréssant. Au plaisir de RP ou de te parler sur la CB un jour ~
Sujet: Re: Micha Adolf Bukovski, beautiful music [terminée] Mar 18 Sep - 22:43
Invité
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MORE ?
Eh bah merci à vous ça me fait très plaisir =) Donc bah j'ai fini ! Je poste là le physique et le caractère car sinon le post passait pas =/ Encore merci de l'accueil et au plaisir ;)
Caractère:
L'âme d'un être est son odeur ~
Vous savez, j’ai suivi Smoke dans ses objectifs pendant cinq années, j’ai suivi son évolution et n’est cessé de le côtoyer. De ses quatorze à ses dix-sept ans j’ai cru le connaître plus que quiconque. Il me paraissait un peu bourru, silencieux mais respectueux de ses principes. Quand il a disparu, quand j’ai vu son vieux studio en feu, je me suis rendu compte qu’il ne m’a été qu’un étranger, un homme de passage dans ma vie. Mais il m’a offert une renaissance oui, un instant de pur adrénaline durant ces trois courtes années. Il n’était pas une lumière dans notre monde, mais un leader qui nous a permis de nous lier et de respirer un nouvel air. J’ai été déçu, voir même brisé en apprenant qu’en réalité je n’étais qu’une étincelle dans sa vie, qu’un être quelconque sans réelle âme. Smoke, je ne l’ai jamais connu en réalité, Smoke, je ne l’ai qu’entrevu avant qu’il ne disparaisse en fumée. J’aurais du m’y attendre oui, j’aurais du le savoir puisqu’il ne nous a pas même dit son nom, ni même confié ce qu’il pensait…Alors, je vais essayer de vous montrer son monde, sa manière de voir, sans réelle certitude je dois l’avouer car Smoke n’est qu’un inconnu de plus dans ma mémoire, une personne qui ne m’a jamais rien dit ou avouer. Et dire que je croyais être celui qui le comprenait le mieux, quelle déception…Je ne sais rien de lui, je n’ai jamais rien su de son être et je ne saurais rien de son monde, comme vous d’ailleurs.
J’ai remarqué une chose dans la psychologie de chaque être ; chacun possède trois couches, trois carapaces toutes égalitaires et qui permettent de protéger l’individu. Rares sont ceux qui n’en possèdent que deux ou quatre. Smoke, il n’en possède qu’une, mais son unicité est troublante ; chaque endroit de cette coquille possède sa propre matière, sa propre épaisseur, sa propre manière de vivre, et pourrais-je dire sa propre faiblesse ? Je ne sais pas, ce n’est qu’une hypothèse comme une autre, comme la vie sur Mars. Je ne suis pas dans sa tête mais je perçois la chose telle qu’elle ; Smoke ne cache rien, il faut juste lui poser les bonnes questions.
De face, Smoke paraît peu commode voir même menaçant ou sauvage. Il ne le fait pas exprès, mais il ne cache pas que son aspect physique et ses conséquences lui permettent de mener une vie plus facile, une vie plus solitaire. On pourrait supposer Smoke asocial, voir même agoraphobe, vu son comportement impulsif et sa manie de toujours s’éloigner des groupes. Ce dont je suis sûr, c’est qu’il est très antipathique et que c’est lui-même qui souhaite rester ainsi. On dirait qu’il ne veut pas écouter les autres, qu’il ne veut pas se lier aux personnes qui l’entourent, peut-être parce qu’il n’en a rien à faire qui c’est ? Ejectez la possibilité que ce soit un grand sensible qui pour soigner son propre cœur, s’éloigne des autres et de leurs problèmes. Je ne dirais pas que Smoke n’a pas de cœur, loin de là, il en a un comme tout à chacun, seulement c’est un dur à cuir qui ne laisse pas libre cours à ses émotions. Il aime les garder pour lui, il aime tout garder pour lui. C’est une manière d’être responsable de sa sécurité et de celle de son cerveau. C’est pourquoi il ne parle pas au psychologue ; il reste muet comme une carpe et continue de le fixer, continue de l’entendre poser des questions et des hypothèses sur sa manière de penser en attendant que l’heure passe pour vaquer à ses occupations premières.
Vous l’aurez compris, Smoke est un silencieux, non un muet, mais un silencieux. C’est un choix, une façon de respirer je pense. Nous, nous avons besoin de la compagnie des autres, de liens humains pour ne pas devenir fou, pour rester libre. Je crois que pour Smoke, c’est le contraire. Se lier avec quelqu’un émotionnellement parlant lui donne l’impression de se faire enchaîner, de ne plus pouvoir penser ou agir seulement pour lui. Tenir compte des autres n’est pas sa tasse de tête je suppose, tenir la main de quelqu’un non plus. Il ne semble pas un affectueux ni même un sentimental dans ses relations amoureuses ; ma cousine Maria sortit avec lui durant trois ans, et elle m’a raconté leur relation tout ce temps. Trois ans c’est long, et Peta n’a jamais connu Smoke, il ne lui a jamais confié ses pensées, ses peurs ou sa vision du monde. Elle l’enlaçait, il ne lui rendait pas son affection, elle l’embrassait, il y répondait mais sans grand intérêt. « J’avais l’impression de ne pas être là, surtout lorsqu’il me regardait, c’est comme si je n’existais pas, comme si je n’étais pas assez bien pour lui, à ce salopard » Elle avait les larmes aux yeux, elle se sentait blessée dans son amour propre, se supposant pas assez bien pour Smoke, le présentant comme imbu de lui-même. Il est vrai qu’il ne lui parlait presque jamais, sauf lorsqu’il en avait réellement besoin.
Smoke n’est pas un bavard, et Smoke n’est pas un narcissique. Je suppose qu’il réserve son art de parler pour de grandes occasions, pour des évènements qui ont un sens à ses yeux. C’est assez…compliqué à expliquer. Je puis juste poser l’hypothèse qu’il ne parle pas par choix, par sécurité. Donc détruisez-la les hypothèses telles qu’un complexe au niveau de son fort accent russe ou de sa difficulté à parler une autre langue. Smoke ne parle pas pour des raisons que j’ignore, point à la ligne. Peut-être pour montrer qu’il n’en a rien à foutre de nous ? Que lorsqu’il te parle c’est une manière de montrer qu’il te respecte et qu’il te voit ? Allez savoir, je n’ai toujours pas résolu ce mystère.
Donc, faisons un résumé : Smoke parait menaçant, il n’aime pas se mêler aux autres, c’est un solitaire et il parle très peu pour une raison inconnue. Les résultats sont peu concluants dites-moi…Heureusement que je n’ai pas fini. Mais je ne vais pas pouvoir tout dire hélas. Déjà on peut émettre l’idée que cet être rationnel est un peu militaire sur les bords…
J’ai remarqué une chose : si Smoke ne parle pas, comment se fait-il qu’on le comprenne lui et ses intentions ? Je me suis remémoré les années passées à ses côtés et il est vrai qu’il ne nous faisait entendre sa voix que rarement, peut-être une à deux fois par jour tout au plus. En fait, il s’exprime quatre-vingt pour cent du temps en langage corporel. Oui, c’est ça…Il utilise des gestes, des regards, des mimiques qui expriment sa pensée et ses paroles, une sorte de mime de la vie. Oui, on le comprend, on le voit dans son regard lorsqu’il nous apprécie, lorsqu’on le fait chier, lorsqu’il est en fureur…Ses mains l’aident dans ses propos. J’ai pu déchiffré certaines de ses actions corporelles ; l’une d’elle est forte amusant. Lorsque tu veux lui parler et que tu le lui dis, s’il penche la tête de côté et hausse les épaules c’est qu’il t’entend, mais pas qu’il va tenir compte de tes paroles…Par contre, s’il te regarde en utilisant les mêmes mimiques, c’est qu’il t’écoutera attentivement, et s’il te répond, tu peux être sûr qu’il prendra en compte tes dires. C’est un exemple comme un autre, vous pouvez ne pas me croire si je vous dis que la majorité des personnes le comprennent lorsqu’il fait cela. Allez lui dire en face qu’il fait chier à ne pas parler et il vous donnera comme réponse un simple sourire sournois avec sa clope au bec.
Ah oui…La cigarette. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme Smoke, même si ce nom est tatoué sur sa nuque. C’est une grande histoire d’amour et bien plus qu’une simple dépendance. Ai-je des preuves pour affirmer ceci ? Évidemment. Vous voyez, je suis allé une fois dans son studio, hormis le séjour et la cuisine d’une propreté presque maniaque, sa chambre était d'un foutoir sans nom. J’ai ouvert la porte et une épaisse fumée s’en dégageait ; des relents de tabac. Il prenait un soin fou à garder les mégots, à les déposer sur son chevet, sur son lit, dans son matelas, à laisser quelques cigarettes allumées pour qu’elles se consument et alimentent la chambre encore et encore de cette lourde odeur. Les stores étaient fermés, quelques appareils de musculation trônaient sur le sol. Pourquoi gardait-il ces mégots ? Pourquoi fumait-il autant ? J’ai une ou deux idées qui pourraient répondre à ces questions. En attendant, s’il ne fume pas, il devient comment dire…Plus que violent et impulsif, presque sauvage et irrité. Une seule remarque, une seule parole qui lui est adressée tandis qu’il n’a pas eu sa dose de tabac et vous serez sûr d’avoir la tête encastrée dans un mur. C’est un besoin à ce stade, un besoin constant. De nicotine ? Non. Ce n’est pas le tabac en lui-même qui l’attire, ni même le fait de fumer. Je crois que c’est l’odeur de la cigarette qui fait qu’il en est accroc. Son odeur et ses conséquences sur son corps ; nerveux le Smoke ? Je ne sais pas. Mais je crois connaître la raison de cette dépendance…
Vous savez, si Smoke s’éloigne des groupes, c’est certes pour chercher la solitude mais aussi pour respirer dans le sens premier du terme. Smoke a eu dès sa naissance la capacité d’avoir un odorat sur-développé. Toute odeur est amplifiée et il exècre de ce fait les parfums, les personnes sentant trop forts. Il a besoin de s’éloigner du monde pour trouver un semblant de vie ; trop d’odeurs lui provoquent des migraines si atroces qu’il a du mal à tenir debout. S’il le pouvait, il s’arracherait le nez sans aucune hésitation. L’odeur du tabac est amère et très lourde au point qu’elle domine toutes les autres senteurs. Je crois qu’une pièce emplie de l’odeur de nicotine est comme une thérapie pour Smoke, un endroit où il peut définitivement se reposer, bien que le fait de dormir ne soit pas une virtuosité chez cet homme. Smoke n’est pas insomniaque non, mais il dort peu, très peu, c’est comme s’il détestait l’idée même de fermer les paupières et lorsqu’il sombre dans cette inconscience, son sommeil n’est au grand jamais lourd, il est même plutôt très léger. Entrez dans sa chambre, approchez de son lit et vous serez sûr de voir ses paupières s’ouvrirent brusquement et sa main entourée votre cou pour vous plaquer au sol. Un réflexe purement militaire, mais qui a dit que Smoke n’a pas fait l’armée ?
La seconde raison m’est moins certaine car elle est liée à un rapport cause-conséquence non étudié. Je vais vous raconter un évènement ; un jour quelqu’un est rentré dans le bar dans lequel je mangeais avec Smoke. C’était un jeune homme d’un gang adverse qui tira sur Smoke. Ce dernier ne l’avait même pas vu entrer, ce dernier ne s’était même pas rendu compte qu’une balle avait transpercé son épaule…J’ai voulu vérifier ce fait après qu’il ait tabassé le type et ai planté une fourchette dans sa main. Il ne hurla pas le moins du monde, il ne s’en rendit même pas compte et vaqua à ses occupations. Je lui ai alors posé la question et il me répondit : « J’ai perdu toute sensation tactile à mes treize ans. » « Comment ? » « Un incident. » « Tu veux dire que tu ne ressens pas la douleur physique ? » « Ouais. » « Pourquoi tu ne m’en a pas parlé ?! » « Parce que tu ne m’as pas posé la question. » Je dois avouer que c’était l'une de nos discussions les plus riches, ce qui est rare. Elle accentue d'ailleurs ce que j’ai avancé avant ; Smoke te dira ce qu’il pense que si tu lui poses les bonnes questions. Il est effrayant n’est-ce pas ? Et le fait de fumer lui permet-il d’échapper à cette absence de sensation tactile ? L’effet de la nicotine peut-il lui donner la possibilité de sentir les choses sous ses doigts ? Sont-ce cet accident et ses conséquences sur son corps qui ont transformé Smoke en une statue de pierre émotionnellement parlant ? Je ne sais pas, je n’ai jamais su quelles étaient les bonnes questions à poser…Alors comment pourrai-je avoir les bonnes réponses ?
Il est fort certain que s’il ne raconte pas sa vie, que s’il ne te dit rien c’est qu’il n’en voit pas la peine. Je crois que Smoke ne souhaite pas s’étendre sur sa vie et ses ressentis, il ne donnera pas son avis si tu ne le questionnes pas, il ne te proposera pas de l’aide si tu ne lui en demandes pas. Smoke cache quelque chose, mais quoi ? Qui ? Quand ? Comment ? Quelle est son histoire, qu’est-ce qui fait de lui cet ours aux manières trop complexes et dont la vision du monde est à dix milles lieux de la nôtre ? Je ne sais pas moi-même ce qui se cache derrière ce vert marécageux et bestial, derrière cette mimique menaçante. Je ne fais que des suppositions, mais je crois que c’est lié à son père, je crois que c’est lié à une réalité plus dure que la nôtre. Il a vécu un cauchemar, un mauvais rêve dont il est lui-même l’auteur, un songe qui l‘a envoyé très jeune dans le monde des adultes, comme s‘il n‘avait jamais eu d‘enfance. Pourquoi ne dort-il presque pas ? Pourquoi est-il toujours sur ses gardes ? Pourquoi fait-il autant de musculation ? Qu’est-ce qui fait qu’il ne se lie pas aux autres ? Pourquoi a-t-il l’air de se foutre de tout et de chacun ? Quel est ce don qu’il possède pour attirer autant d’emmerdes à lui et à d'autres ? Et surtout, surtout, pourquoi tous ces tatouages ? Quelle est leur signification ? Pourquoi y tient-il ? Pourquoi cette croix gammée ? Je m’agace à ne pas trouver les réponses, je m’agace à regretter de ne pas lui avoir demandé, avant qu’il ne disparaisse de ma vie.
On pourrait juger Smoke sur son apparence, on serait dans le vrai à peu de choses près. Il est impulsif, un peu violent sur les bords ; si tu le cherches tu le trouveras et plus qu’il n’en faut si jamais il n’a pas fumé depuis des lustres. S’approcher de lui se résume à jouer au poker ; tu joues cartes sur table, soit tu gagnes et il t’a en estime, sois tu perds et il tente de te défoncer la gueule. Tout dépend de ce que tu dis et de ce que tu fais, tout dépend de comment il s’est levé, tout dépend de tout en fait…Du hasard, du destin, du calcul de probabilités. C’est assez flippant sur le coup, car tu ne sais pas comment il va t’accueillir. Bien que la base de sa personnalité soit solidement posée, il reste instable, un peu incompréhensible pour des raisons toujours inconnues. De même pour ses tatouages - d'ailleurs il me semble que celui sur son avant-bras droit signifie "Prends ton destin en main" - je sais que j’en ai déjà parlé ci-dessus, tout comme de ses exercices sportifs. Enfin, un peu…J’ai supposé qu’il s’agissait d’une façon de s’affirmer, de montrer une certaine dominance et virilité, qu’il y cachait une homosexualité refoulée.
J’ai réfuté cette idée ; Smoke n’est pas du genre à se vanter, à mettre en avant ses muscles, sa grandeur, c'est ce pourquoi il attire, ce pourquoi certaines personnes croient le comprendre et tentent de se faire accepter de lui, d’appliquer leur présence à la sienne. Smoke ne comprend pas pourquoi ces individus reviennent vers lui malgré sa manière de dire qu’ils le font chier. Mais Smoke ne sait pas, il ne sait pas qu’en réalité, par de simples gestes de sa part, par sa nature à ne pas discriminer autrui ou à les juger sur leur histoire et leur manière de se comporter, il offre une renaissance à des gens désespérés, au bord de la mort. J’ai été l’une de ses personnes, tout comme ma sœur Hannah et ma cousine Maria, et lui qui nous tournait le dos, lui qui montrait cette grandeur dans ce qu’il croyait, dans ses principes tels que de ne jamais tromper une femme, de ne jamais rabaisser quelqu’un, de ne jamais tuer sans raison valable, on pouvait finalement tirer sur sa chemise et nous relever pour mieux le suivre, pour suivre ses traces et sa façon de faire. Smoke possède un charisme inégalé, une prestance discutable pour certains, et qui pourtant n’est pas réfutée. Comment ? Pourquoi lui ? Pourquoi pas un autre moins chieur et plus aimable ? C’est justement sa nature qui fait qu’il attire tel un aimant, alors on ne le déteste pas, même si c’est un grand salopard.
Les tatouages sont sa manière d’exister je pense, son histoire et ses souvenirs. Ce n’est qu’une supposition, je me trompe peut-être, je le répète je ne l’ai jamais réellement connu en fait. La musculation une façon d’oublier. Il se lève tôt, presque avant l’aube et commence ses exercices sportifs sans s’arrêter, comme si s’acharner lui permettait de fixer ses pensées sur autre chose. Mais quoi ? Il n’a jamais voulu nous raconter son enfance…On ne lui a jamais demandé non plus. Le fait de jouer de la guitare, d’écrire des partitions de musique lui permettent aussi de s’évader de ses pensées et de ce qui le ronge, et qu’est-ce qui le dévore ? Est-ce qu’un homme comme lui peut avoir des remords et des regrets ? Je n’en sais strictement rien…Je crois que sa manière d’agir et de juger autrui est dû à son vécu. Il méprisera celui qui se plaint de son sort, il tabassera celui qui se moque d’évènements tragiques. On essaie de le retenir, on lui demande la raison de cet excès de violence mais il ne répond pas, il n’a jamais répondu.
Pourquoi ? Pourquoi es-tu ainsi Smoke ? Pourquoi gardes-tu tout pour toi ? Pourquoi ta vision du monde est-elle si incompréhensible ? Pourquoi t’éloignes-tu de la présence humaine ? Pourquoi as-tu le regard d’un vétéran de guerre ? Smoke, raconte-moi, je t’en prie, je veux comprendre cet homme tatoué se nourrissant de tabac, de sport, de musique et de solitude. Je veux que tu m’expliques ce que tu as vu…
Il gratte sa guitare avec une douceur qu’on n’aurait pu soupçonnée chez cet homme. La délicatesse avec laquelle il nettoie son instrument fétiche est étrange, voir même effrayante tant son regard brutal et assassin est en désaccord avec cette douceur. Smoke fait peur, Smoke est seul et souhaite le rester, Smoke, c’est de la fumée sans feu, de la fumée tatouée bien chiante à attraper…
Physique:
Smoking is good for health ~
Vous savez, la première fois que j’ai vu Smoke, je n’aurais jamais pensé que je me retrouverai dans le pieu de cet emmerdeur de première. Il n’est pas magnifique, il n’est pas séducteur, il n’a pas un visage des plus plaisants et ce n’est certainement pas un Dom Juan. Je ne dirais pas qu’il n’a pas été doté de quelques merveilles de Dame Nature, cependant il n’a pas été chéri par cette dernière. Alors, qu’est-ce qui a attiré mon regard, mh ? Qu’est-ce qui a détruit ma pensée première : lui je le hais ? Je crois que c’est son regard oui, ce regard menaçant qui a provoqué un long et effrayant frisson sur mon échine. Dès que mes iris se sont plongées dans ses yeux d’un pâle émeraude aux connotations grisées, dès que mes lèvres se sont déposées sur les siennes en quête de son attention, j’ai su l’horreur de ce que représentait ce regard : assassin et sauvage, Smoke n’est que de passage et Smoke n’est pas un gentil garçon.
Oui voilà, c’est cette mine sombre presque impassible qui a éveillé mon attention de pute. Ses yeux glacés, ses yeux aux nuances bestiales, ses sourcils froncés dans une mimique animale, cette absence de sourire que l’on aurait pu nommé ironie s’ancraient comme une vielle histoire dans un livre usé sur son visage taillé au couteau. Il est entré dans le bar, il n’a même pas jeté un de ses yeux en amande sur les pétasses dansant en bikini sur le comptoir, pas même en ma direction. Il est entré, son regard glissant sur la salle, examinant chaque détail sans pour autant si accrocher, une statue oui, une statue de glace et de feu mêlés, s’approchant d’une démarche nonchalante d'une des tables usées où se trouvait un autre garçon. Il avait l’air si jeune à côté de Smoke, et en même temps les vêtements de ce dernier laissaient penser qu’il n’avait pas atteint la trentaine. Peut-être était-ce ses traits de visage, brusques et aiguisés qui le vieillissait, ou ses cheveux blancs ? En tout cas, il s’est assis, et il a toisé de son regard meurtrier le gosse, le gosse qui parlait et parlait, sans obtenir une quelconque réponse de cet homme imposant, de ce type gardant les mains dans ses poches, fixant sans ciller son interlocuteur continuant son monologue, sans bouger, sans parler, dans un silence agaçant.
J’ai allumé une clope, sans pour autant aspirer une bouffée de la drogue, continuant d’observer cet étranger, adossée au comptoir près d’un type un peu saoul pour oser me parler. Mais je me foutais de ce dernier, même s’il semblait être une bonne source de pognon comparé à ce jeune adulte. Mon regard se plissa, tentant peut-être d’absorber plus de précisions, plus d’imperfections dans cette statue grossière et sans grâce. Pourquoi étais-je autant intéressée par ce type ni beau ni laid, me demanderiez-vous ? J’en sais rien, ou en tout cas je n’eus la réponse que le lendemain matin, lorsqu’il a fermé la porte de sa vieille chambre, sa chemise sur l’épaule.
Ses cheveux étaient blancs, peut-être grisés ; une couleur ? Une anomalie génétique ? J’m’en fous si vous saviez, moi je suis pas calée en biologie cellulaire mais plus dans le corps humain. Ils étaient courts et un peu abimés, à moins que ce ne soit le gel qui faisait ça ? En tout cas, je n’ai pas aimé leur touché ; rêches et en même temps doux, usés et délicats. Alors pourquoi est-ce que je m’y suis accrochée comme une forcenée cette nuit-là ? Ce n’était même pas une soirée mémorable dans le sens sexuel du terme. Dans ce cas, pourquoi est-ce que je m’en souviens ? Pourquoi est-ce que je m’accroche à ce souvenir ? Soudain, je sentis une énorme pression peser sur ma nuque, vous savez comme si quelqu’un pointait un flingue sur vous, ou un couteau sur votre poitrine. J’ai relevé les yeux pour remarquer qu’il m’observait, que le gamin partait la mine en sang et les larmes aux yeux. Alors comme ça, il l’avait frappé ? Il avait la gueule d’un violent et d’un impulsif, ça ne devrait pas me surprendre. Il ne cessait de m’observer, la pression se fortifiait sur mes épaules, alourdissait mes jambes, créait une sueur sur mon front. J’aurais presque cru que mes mains tremblaient, mais ce n’était que mon imagination, n’est-ce pas ? Mon cœur battait fort, pas d’envie ou de plaisir non, mais d’effroi ; on me hurlait de déguerpir et de ne pas soutenir son regard, à quoi bon, je restais pétrifiée sous la pression de ses yeux de pierre.
Sa chaise grinça ; il venait de se lever, lentement et lourdement. J’ai sursauté en entendant ce bruit criard, ma lèvre inférieure se mit à trembler quand je me rendis compte qu’il se dirigeait vers moi, les mains dans les poches et la mine toujours sombre. Je l’avais peut-être un peu trop regardé, il essaierait de me tabasser et ça allait finir en bagarre complète dans l’établissement. Merde, j’aurais pas ma paie ce soir…Le voilà qui s’approchait, encore…Encore…Un peu plus…Presque là...Son pas s’arrêta, et le silence s’installa. Une absence de bruits dans cette bulle étouffante, dans ses iris puissantes et assassines. J'étais sûre qu’une balle en pleine tête aurait été moins angoissante que son regard à lui, à Smoke, à ce type emmerdant rien que par sa présence. J’ai levé les yeux, plongeant dans les siens, dans ce marécage glacé et brûlant à la fois, je me serais cru dans un four. Putain, baissez la température merde…
Il était imposant, plus imposant que tous les mecs du bar en tout cas. C’était ça je pense, qui m’a choqué après ses iris. Il devait frôler les deux mètres sans problème, son visage taillé en couteaux reposait sur un corps musclé, peut-être un peu trop. Je me suis sentie soulagée vous savez, lorsque je sus qu’il s’entraînait pour avoir un corps aussi impressionnant ; y avait des poids dans sa chambre et une barre de fer accrochée à l’entrée de son minuscule séjour. Sa main se déposa sur le comptoir, grande et grossière, juste à côté de mon bras. Je m'en suis éloignée, il le remarqua, et un nouveau sursaut me prit quand un mince sourire narquois égaya sa face de sauvageon. Sérieux, il commençait à me gonfler ; il ne me parlait pas, il m’observait juste, ni trop près ni trop loin de moi. Son autre main se leva, et il fit un signe, un signe renforcé par la lourdeur de son regard : parle. Il voulait que je parle mais il ne disait rien. Que devais-je lui répondre, hein ? Et surtout, comment avais-je compris ce message ? Avait-il seulement une langue ce connard ? Ouais, et que pour dire des saloperies…
Mais j’ai pas parlé, j’ai juste enregistré les petits détails qui m’avaient échappés, tels qu’un piercing à son sourcil droit, une fine cicatrice sur son menton, ou encore un morceau de tatouage sur sa nuque qui devait continuer sur son épaule. Son nez semblait aquilin, son oreille droite se paraît de multiples boucles en argent et la gauche, plus sobre, d’un autre petit piercing. Un dernier détail s’inscrit dans ma rétine tandis qu’il frappait du point sur le comptoir ; une méchante balafre s’ancrait sur son crâne, bien cachée sous ses cheveux blancs mais dont la pointe ressortait sur sa tempe. Smoke, ça se voyait qu’il fréquentait pas des gens saints, Smoke, ça se remarquait que c’était un impatient de première. Je n’avais pas dit un mot, il n’avait pas apprécié, il a frappé du poing et me voilà en train de me faire lacérer de coups par son regard de tueur. Ce mec, c’était un problème ambulant à lui tout seul, ça se sentait à des kilomètres…
Vous croyez que je me suis mise à bavasser ? Non, j’ai juste passé un dernier bref coup d’œil sur son jean troué, sur son sweet noir et ses bracelets un peu punk pour ensuite mettre à l’épreuve la meilleure de mes aptitudes ; rouler des pelles. Je me suis jetée à son cou, mes pieds touchaient même pas terre et je l’ai embrassé. Il a rien dit, il a même pas répliqué, son regard se fit juste moins menaçant. Ouf, manquerait plus qu’il soit homo’…Ouais, quand j'ai pas envie de parler, j'embrasse, vous vous attendiez à quoi d'un trou ambulant ?
Vous connaissez la suite des évènements, j’ai pas à vous raconter, y avait rien de super, c’était pas le meilleur de mes orgasmes, c’était pas la meilleure de mes nuits et pourtant je m’en rappelle encore ouais, de cette chambre en foutoir, de ce studio sombre et humide, de cet homme se posant au-dessus de moi, dans son intense brutalité et sauvagerie. Smoke, c’est pire qu’un loup, c’est un ours, un grizzli aux griffes meurtrières qui t’accrochent avec facilité pour mieux t'éventrer. La nuit est passée, il faisait chaud, le ventilateur tournait et les stores abîmés laissaient passer la lumière des réverbères. J’crois qu’on a réveillé les voisins d'à côté aussi, je m’en rappelle pas trop, j’étais un peu bourrée.
Quand j’ai ouvert les yeux, il était debout, face à moi. Me regardait-il dormir ? Rêvez pas, Smoke n’est pas un romantique, même si je ne le connaissais pas, je le savais déjà. Il m’avait pas adressé un seul mot depuis notre rencontre, rien, que d’al’, pas même un véritable regard. Je n’avais pas l’air d’exister dans cette chambre ; il continua ses va-et-vient, enfila son jean de la veille, mit une ceinture et resta torse nu. Je crois que je sais ce qui m’a réellement choqué, autant que son regard de braise. Il me faisait face, il me regardait. Je vous avais parlé du tatouage sur la partie droite de son cou ? Ouais, bah y en a pas qu’un. C’étaient des pièces de puzzles, noires et grossières, s’étendant sur sa clavicule, puis sur son épaule jusqu’à contaminer la partie gauche de son poitrail. Sur le côté gauche de ses abdominaux s'étendait un début de flammes cursives caressant son bas-ventre tandis que le côté droit s’armait de quelques lettres chinoises incompréhensibles. J’ai replongé mes yeux dans les siens, le voilà qui m’observait, mais il ne disait toujours rien ce con ! Allez quoi, parle, dis quelque chose ! J’sais pas moi, que le café est dans le placard de droite, que l’eau chaude marche pas dans ton taudis de merde, que tu vas m’acheter des croissants, que tu veux me revoir…Mais nan, t’as rien dit. Pff, j’avais deviné que les histoires avec Smoke, elles étaient meilleures courtes que longues : aucune nana sur Terre serait capable de supporter son putain de caractère de chiotte.
« J’te laisse mon num’ ? »
J’ai tenté, assise sur son matelas, dans ses couvertures un peu trop rêches, dans son odeur de prédateur. Mon regard cherchait une once d’envie dans le sien, quand je mis ma poitrine à nue. Mais y avait rien, sauf cette éternelle menace dans ce marécage grisé qui composait son regard. Son index armé d’une énorme bague en forme de crâne cliqueta sur le bois du lit tandis qu’il s’appuyait sur ce dernier, se penchant un peu plus en ma direction, ce qui voulait dire en clair "casse-toi". Il gardait toujours le silence, et j’ai pu constaté un truc : il ne te parle que par messages corporels la majeure partie du temps et le pire dans tout ça c’est que tu le comprends. Ouais, tu le comprends. Pourquoi ne nous faisait-il pas entendre sa voix de russe ? Je crois que c’est une façon de montrer qu’il en a rien à faire de toi, une façon de dire que s’il te parle et qu'il t'écoute c’est qu’il te respecte ; ce mec est imbu de lui-même en fait…Quel fils de chienne !
J’ai remarqué à cet instant la chemise noire nonchalamment déposée sur le coin du matelas ; je tendis la main pour m’en revêtir, elle disparut dans un geste. Là, je me suis dit que c’était un salop, là j’ai commencé à penser que j’étais tombée sur le mec le plus chieur de la planète. Il ouvrit la porte, la lumière pénétra dans la chambre, me fit plisser les yeux, sans pour autant altérer la vision de son dos qui, je dois l’avouer, était sexy qui, je dois l’avouer, était tout aussi effrayant que son imposante musculature. Il déposa sa chemise sur son épaule, la tenant d’un doigt, la lumière caressa les courbes de ses hanches et de ses omoplates. J’avais pas remarqué cette nuit-là, son dos et ses bras recouverts de tatouages ; ses avant-bras s'imprimaient d’arabesques, précises et compliquées, mais telles qu’elles ressemblaient à des bracelets égyptiens. Un fil de barbelé gravé dans sa chair s’enroulait autour de son bras gauche jusqu’au coude, un fil aiguisé, usé, presque réaliste. J’ai jamais su ce que voulait dire les lettres chinoises tatouées sur son autre bras, sur la même longueur que le fil barbelé. Elles étaient un peu trop compliquées à mon goût, un peu trop effrayantes. Sur sa nuque trônait un code barre, en-dessous y était inscrit le mot "Smoke" ; raison pour laquelle je le nomme ainsi. Je ne connaissais pas son vrai nom, je ne l’ai jamais connu, alors lorsque j’en parle à des potes de boulot, je le surnomme Smoke, le fumeur, le fumé, l’enfumé et le chieur ; sa chambre était remplie de mégots, la fumée étouffait l’atmosphère et traversait la lumière du jour.
Mais ce qui m’a vraiment choqué, ce qui m’a vraiment horrifié et fait chialer, ce n’est pas le fil barbelé, ce n’est pas les signes chinois, ni même la présence même d’autant de tatouages sur son corps non, la véritable raison était ce dragon chinois ornant la totalité de son dos : la beauté de cet animal représentait à merveille l’être bestial qu’était Smoke. Ses dents aiguisées dévoraient son omoplate, ses écailles lacéraient sa colonne dans un S sulfureux, et ses pattes meurtrières se plantaient dans ses côtes. Un travail de maître oui, et je l’aurais certainement trouvé d’autant plus beau si l’emblème qu’il tenait d’une de ses pattes ne m’avait pas dégouté. Vous savez, pour une femme juive qui a su ce qu’étaient toutes les horreurs du génocide de son ethnie, voir une croix gammée aujourd’hui est un mauvais souvenir, une malédiction et presque une torture. Cet animal mystique, tatoué sur ce dos à la peau tendue, me menaçant de ses yeux de reptile, tenait entre ses griffes une croix gammée. Une voix grave emplie l’air, dure et glacée, dure et brûlante, saupoudrée d’un accent que j’aurais supposé russe :
« Sois partie avant ce soir. »
La porte se referma et je ne l’ai plus jamais revu. Smoke, il n’est pas un canon de beauté. Smoke, il n’a pas un visage d’acteur. Smoke, il n’est pas un grand séducteur. Mais Smoke dégage une prestance et un charisme inégalés, une unicité troublante. C’est ça qui m’a attiré chez lui ; c’est un homme dur et antipathique, un homme qui n’attire que les problèmes et un connard de première. Mais on n’arrive pas à le détester, je n’ai jamais réussi à le détester et j’ai toujours envie de le revoir. C’est un aimant ce type, et ça doit bien l’emmerder. Tant mieux, j’espère que d’autres réussiront là où j’ai échoué : à tenir le coup pour le faire chier !
Mes larmes coulaient sur le tissu troué du matelas, mes oreilles frissonnaient du son de guitare électrique emplissant le studio. Pendant que je pleurais, mon cœur s'emportait dans le rythme effréné qu'exerçait Smoke sur sa vieille guitare. Ce mec était pas doué niveau relation sociale, ce mec montrait rien de véritablement concret sur ses émotions, mais ce mec avait un don pour la musique. Une musique que je hais plus que tout au monde désormais...Smoke, je te hais.
Sujet: Re: Micha Adolf Bukovski, beautiful music [terminée] Mar 18 Sep - 23:49
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Tu es validé, et au passage j'ai compris ta phrase en Russe (le polonais étant ma langue natal, je comprend certaine notion des autres pays de l'est too)
Sujet: Re: Micha Adolf Bukovski, beautiful music [terminée] Mer 19 Sep - 0:53
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Oh :) Super alors on va bien s'entendre je suppose. ^^ Merci bien =)
Sujet: Re: Micha Adolf Bukovski, beautiful music [terminée]