« Toi Sophie, tu n’es pas comme les autres petites filles. Tu es comme Alice au Pays des Merveilles, sauf que tu caches au fond de toi, beaucoup plus de merveilles que le pays où elle est tombée. »

C’est faux, je n’ai jamais caché de merveilles au fond de moi. Au contraire, je suis monstrueuse : je suis le genre de fille qu’on déteste. Pourtant, j’aime cette image que je renvoie de moi, suis-je épouvantable ? De toute façon, je n’écoute pas ce que les gens disent. Triste réalité, triste vérité. Mais que préférez-vous ? Vivre dans un mensonge ? Où vivre dans une terrible réalité ? Moi je ne sais pas. Pourtant, j’ai énormément songé à cette question. Regardez-moi, ai-je l'air gentille ? Ah mes pauvres petites créatures, il ne faut jamais juger l’apparence ! Si j’étais ce que je reflétais vraiment, vous m’aimeriez peut-être un peu plus. Moi, je suis le genre de fille qu’on aimerait ne jamais rencontrer. Vous êtes curieux de découvrir qui je suis ? Vous en êtes sûrs ? Je ne veux pas vous voir filer après ! Bon, alors voici mon histoire.

Je naquis au mois d’avril, un mois, ma foi, plutôt agréable. Les beaux jours commencent à arriver et nous lâchons progressivement nos lourds manteaux d’hiver. Je suis la cadette d’une famille de cinq enfants. Nous vivions à l’époque de ma naissance à Paris, belle capitale n’est-ce pas ! J’ai toujours apprécié cette ville pour son aspect et notamment pour sa part de mystère. Depuis ma plus tendre enfance, j’ai toujours été passionnée par le chant. Ma mère ne trouvant pas cette activité à son goût, tenta en vain de me trouver d’autres occupations comme la peinture, la danse classique… Mais nous savons très bien, vous comme moi qu’une passion ne peut être remplacée dans nos cœurs, alors j’insistais énormément afin de pouvoir réaliser mon rêve, devenir chanteuse. Mon frère ainé, Jean répétait sans cesse que la plupart des fillettes de mon âge souhaitaient devenir artistes et que cela, ne serait qu’une phase de mon enfance.

« Toi Jean, tu n’es vraiment pas comme les autres ! Je me souviens de toi comme un homme résolu qui ne laisserait en aucun cas son destin lui échapper. Tu es fort, brave mais aussi bouleversant, car tu as une bonne âme, tu as pitié des malheureux, tu as de la compassion pour ceux qui ne connaissent que les travaux pénibles et tu espères qu’ils connaîtront, comme toi, un avenir beaucoup plus radieux. »

Jean vécut avec nous jusqu’à mes six ans, son départ bouleversa terriblement ma mère, son premier enfant partait déjà de son doux foyer. Je n’ai que très peu de souvenirs de lui, excepté durant les grandes fêtes, où, bien sûr, il nous rendait visite avec grâce et ravissement. Jean rêvait d’entreprendre des études de médecins, il est de 13 ans mon ainé. Il décida de s’installer en Angleterre afin de perfectionner son anglais, il y rencontra quelques années plus tard, sa femme Beth. Depuis, il ne revient qu’en France seulement pour les grandes occasions, mon père fut énormément chagriné de la décision de Jean de vivre loin de lui mais, il répétait toujours avec un grand sourire : « Vous m’avez toujours enseigné à poursuivent mes rêves, je ne compte pas m’arrêter là. »

Charles et moi, allions à l’école ensemble. Nous sommes tous les deux très proches car il n’a seulement que trois ans de plus que moi. Au début de ma scolarité, ma mère s’obstinait à vouloir que je prenne des cours à la maison. J'aimai notre demeure, elle était agréable, les murs étaient peints de couleurs vives et douces, c’était un lieu où il faisait bon vivre. Le salon était rempli de photos, de peinture tout faite par un membre de la famille de Rosebourg, c’était un endroit sécurisant et rassurant. Je l’aimai beaucoup… Finalement, après quelques discussions entre mes parents, mon père, décida de m’envoyer dans une école privée avec Charles. Oscar, mon deuxième frère parlait souvent de ses projets d’avenir, il comptait partir et devenir avocat. Il quitta la maison à son tour, deux ans après Jean.

« Toi Oscar, tu es un jeune homme très rêveur. Tu cherches en permanence à t’évader dans un autre monde. Tu n’oses pas, tu es effrayé à l’idée d’affronter la réalité. Dans les moments sombres, où l’obscurité était Reine de ton âme, tu tentes avec vivacité de te prouver que le monde était beau ! Que toi, tu es comme Jean, tu es aussi joyeux que lui. »

Après avoir raté de nombreux examens, Oscar changea totalement de carrière, il se réorienta. Il devint fleuriste et s’installa au Japon, à Tokyo plus précisément. Mon père faisait comme si cela ne l’atteignait pas, et Oscar répondait toujours : « S’occuper des fleurs est tout un Art, vous ne trouvez pas ? »

Je vécus une enfance joyeuse malgré de nombreux problèmes. À l’âge de huit, nous dûmes quitter Paris afin de nous installer à Bilbao en Espagne. Le climat, la culture et les plats espagnols étaient pour nous un tout nouveau départ. Nous étions donc cinq à s’installer dans cette nouvelle ville, mes parents, Paul, Charles et moi. Nous étudiâmes Charles et moi dans une école française, je n’ai donc pas pu approfondir mes notions en espagnol. L’Espagne est un joli pays, les gens sont accueillants et généreux. Oscar téléphonait fréquemment du Japon afin de me dire que dès que je pourrai, que je devrais apprendre le japonais afin de venir étudier au Japon car c’était un pays, selon lui, plaisant à découvrir. Paul et Charles s’entendaient à merveille, ils faisaient ensemble tout et n’importe quoi. Je crois, avoir le souvenir de Paul se mettant un casque sur la tête et Charles frappait dessus pour être certain qu’il le protégerait réellement. À mes 13 ans, mon père s’installa une fois de plus en France, dans une petite ville à côté de Paris. Paul avait obtenu son diplôme de lycée sans difficulté, néanmoins, il décida d’arrêter ses études malgré les interdictions de mes parents. Il répétait sans cesse que les études, il ne voulait pas les continuer.

« Toi Paul, tu es un garçon flâneur mais perspicace, dommage que ta paresse t’empêche de viser plus haut. »

Il est à présent au chômage et vit chez nous depuis toujours. C’est un garçon joyeux et il essaye toujours de tout faire pour qu’on aille bien. Parfois, père s’emportait et criait sur Paul comme si celui-ci était un incompétent. Mais, toujours calmement il répondait : « Moi, voir les autres sourires, cela fait mon bonheur. Alors, peu importe mon métier, tant qu’on me sourit, je serai satisfait. »

Après le départ de Jean pour l’Angleterre, celui d’Oscar pour le Japon, mon père espérait que Charles ne quitte pas la demeure aussi rapidement. À 13 ans, je m’inscris dans de nombreuses annonces afin de prêter ma voix à différents personnages de dessins animés. Je fus prise pour une animation, alors, pour la première fois de ma vie, j’osais enfin chanter devant un public. Des critiques, il y en a eu des centaines, mais dans la vie, il faut savoir avancer. Certaines personnes avaient remarqué ma voix et avaient décidé de me faire chanter les chansons d’un film se déroulant dans les années 1934. Depuis, mes chants ressemblent énormément aux musiques de ce temps. On commençait à me reconnaitre dans la rue, ce qui commençait à me rendre de plus en plus fier de mon travail. Je ne suis pas comme mes frères, je n’ai aucune de leur qualité. Ils sont gentils et ouverts, moi, je suis égoïste et arrogante. Charles, mon dernier frère n’osait pas avouer son homosexualité à mes parents.

« Toi Charles, tu es sensible mais moqueur. »

Charles répétait sans cesse « Je n’ai pas besoin des autres pour travailler, seuls les mauvais écrivains nécessitent de l'aide » Il rêvait de devenir auteur et je trouve, ma foi, ses livres charmants.

Quant à moi, après avoir appris quelques notions en japonais, je décidai de rejoindre Oscar au Japon. Avoir une carrière, est toujours difficile pour une adolescente. Je devais travailler deux fois plus que mes camarades de classe, mais vivre sa passion est un choix que je ne regretterais jamais. Mon père, s’inquiétant pour mon futur, m’inscrit dans cette charmante pension jusqu’à ce que j’obtienne mon diplôme.

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