Son cœur battait à toute vitesse. Est-ce que sa décision de participer à ce concours stupide avait été la bonne ? Caden doutait de lui.
Il était bien trop timide, mais pourquoi est-ce qu’il avait posté sa candidature alors ? C’était vraiment stupide de sa part. Mais il ne pouvait plus reculer maintenant.
C'était le moment. Le moment pour Caden d'entrer sur scène.
Il se demandait pourquoi il avait peur, mais ne trouvait pas la réponse. Il n'essayait pas de la chercher, de toute façon. Il avait peur, c'était tout ce qu'il savait. Il sentait bien que ça n'allait pas se passer comme prévu, il en était certain. Tout ce qu'il espérait, c'est que ce qui allait se passer était loin de ce qu'il imaginait.
Il jouait avec les boutons de sa chemise frénétiquement. Il était plutôt bien habillé pour une fois, mais en se regardant dans le miroir, il constata avec effroi qu'il était mort de trouille, et surtout, que cela se voyait. On pourrait trouver ça mignon, mais dans d'autres circonstances, ce n'était vraiment pas le moment !
Caden respira doucement, la main sur le ventre, pour essayer de faire passer le trac et sa timidité. Il révisait dans sa tête les réponses qu'il devait donner aux questions qu'on lui poserait. Tout ça le mettrait mal à l'aise, mais il devait y passer. Ce ne serait pas long, et même si ça devait tourner en catastrophe... Tant pis. Déjà que le garçon ne le sentait pas vraiment...
L'élève qui le précédait avait fini de faire son entrée. Placé devant le grand rideau qui délimitait les coulisses, il réajusta ses mèches de cheveux et révisa son sourire.
- Allez Caden, c'est parti..., se murmura-t-il pour se donner du courage.
Il écarta le rideau avec ses deux mains, et se demanda s'il n'avait pas l'air ridicule. Sans s'en rendre compte, il avait déjà fait quelques pas devant des dizaines et des dizaines de personnes, la plupart qu'il connaissait ( et c'était ça, le pire. il les connaissait. ). Caden avait l'impression étrange de marcher avec des talons, comme le font les mannequins. Il aurait presque pensé s'écrouler tellement les lumières l'aveuglaient devant lui. Au moins, il ne pouvait pas voir les élèves qui le regardaient, et même si sa démarche n'était pas très assurée, il faisait de son mieux.
Devant lui, le directeur et quelques professeurs qu'il connaissait. Il lui tendit un micro. Argh. C'était la fin. Parler devant tout ce monde, il n'y arrivera jamais. Il jeta un coup d'oeil derrière lui. Les coulisses étaient loin maintenant, il ne pouvait plus y retourner. On penserait qu'il serait une poule mouillée s'il faisait cela de toute façon.
- Sous vos applaudissements, voici donc Caden Minagawa ! annonça M.Ogawa en se tournant vers le public.
A sa grande surprise, tout le monde l'applaudit. Caden se sentait déjà mal à l'aise, il avait chaud et tremblait de tout son corps. Il n'arrivait pas à s'habituer au fait que tout le monde le regarde, jamais il n'avait été dans une telle situation, une situation aussi extrême. Il avait l'impression qu'il allait s'évanouir, il voyait flou et ses yeux voulaient se fermer.
Il était tellement fatigué de battre sa timidité, il avait déjà dû redoubler d'efforts pour ne pas avoir honte et rougir devant tout le monde. Rougir ? Il sentait d'ailleurs le feu lui monter aux joues, il espérait qu'avec l'éclairage on n'y verrait que du feu.
En plus de ça, il faisait très chaud. Ou peut-être qu'il transpirait car il avait le trac. Mais Caden n'arrivait pas à l'admettre. Et ces questions, ça venait ? Il voulait en finir, une bonne fois pour toute, histoire de se mettre à courir pour se réfugier dans les coulisses, à l'abri des regards, jusqu'à la fin de ses jours.
- Bienvenue, Caden. Serez-vous élu Mister Hina 2012 ? Nous le saurons plus tard ! Mais pour le moment, je vous demanderai de répondre à quelques questions, car je ne suis pas sûr que tout le monde vous connaisse très bien. Présentez-vous rapidement, je vous en prie.
Ses mains s'étaient crispées sur le micro qu'il tenait, il ne pouvait vraiment plus bouger un pouce. Seules ses lèvres pouvaient articuler, et encore, ce n'était pas vraiment le fond de sa pensée. Sa voix tremblait un peu, mais prit de l'assurance après quelques secondes de raclement de gorge répétés.
- Je... Je suis Caden, Caden Minagawa, je suis d'origine Portugaise. Mais si je suis ici, au Japon, dans un pensionnat, ce n'est pas par pur hasard. Ce que je veux dire, c'est que j'ai des origines d'ici. M'enfin, je ne vais pas vous détailler tout ça en détail... Je m'excuse de ce discours bâclé, je suis plutôt... Réservé, on va dire. Je n'arrive pas très bien à m'exprimer en public. Pour en revenir à ce que je disais, j'ai 16 ans, et comme vous le voyez, je suis plutôt grand en taille, héhé...
Il lâcha un petit rire, se décrispant un peu. En fin de compte, ça ne se passait pas si mal que ça, plutôt bien même. Il trouvait ça marrant, sans limites.
C'était la première fois qu'il trouvait cela si simple, de s'exprimer en public. Finalement, l'extrême était la meilleure solution.
Il se rendit compte qu'il faisait en fait plutôt frais dans la salle, bien qu'il y ait du monde. Caden n'observait pas ceux et celles qui le regardaient, il n'apercevait de toute façon pas leur visage avec toutes ces lumières dans la figure.
- Et, quelles sont vos passions ? Racontez.
Après avoir adressé un petit sourire à quelques élèves qu'il avait reconnu dans la salle, Caden prit une grande inspiration et expliqua :
- Je ne suis pas vraiment passionné par quelque chose en particulier. J'aime beaucoup écrire et dessiner,cependant. En ce moment, c'est surtout la peinture qui me fait rêver, je ne fais pas de l'abstrait, mais je peins ce qu'il y a en moi. J'adore m'exprimer avec autre chose que des paroles, c'est pour cela que j'aime écrire et dessiner. Je suis sportif aussi, j'aime le football, je n'en ai jamais pratiqué mais au collège, je me réfugiais dans un terrain vague pour m'entraîner, seul. J'ai longtemps voulu devenir professionnel, et puis je me suis dit que c'était insensé.
A présent, le garçon se sentait vraiment à l'aise, il arrivait même à bouger pendant qu'il parlait, à sourire. Il s'amusait, l'air de rien, à deviner qui se cachait derrière ces lumières aveuglantes, quitte à en perdre la vue, il voulait savoir qui le regardait. Cela ne lui faisait plus peur de savoir ce que les autres pensaient de lui, apparemment.
- A ce propos, continua le Directeur, Que voudriez-vous faire plus tard dans la vie, jeune homme ? Vous ne voulez plus faire footballeur ?
Caden sourit, essayant de se plonger dans ses souvenirs. Ce qu'il avait toujours rêvé de faire... Le métier qui ne l'avait jamais abandonné... Oui, c'était pathétique de le dire devant autant de personnes, il savait que ce n'était pas quelque chose de très original, mais cela avait été son plus grand rêve, plus que le football.
- La première fois que j'ai tenu un livre dans mes mains... Et que je l'ai ouvert... C'était à ce moment-là que j'ai eu un déclic. Oui, je veux devenir écrivain. Je suis incapable de m'exprimer oralement correctement, je préfère le faire à l'écrit. C'est un peu bizarre car personne ne pense à ce genre de choses généralement. Les enfants rêvent de devenir professeur, astronaute ou encore pâtissier... Mais écrivain, je voulais le devenir depuis tout petit.
Le jeune homme était heureux de pouvoir parler de tout ça, d'un seul coup, devant autant de personnes, sans avoir peur d'être jugé. Il en était même très étonné, jamais il n'aurait pensé parler aussi facilement devant autant de monde.
C'était vraiment le fait que des yeux qu'il connaissait se posaient sur lui qu'il trouvait génial. Il n'avait plus peur, il aurait pu prendre la place du Directeur et poser des dizaines de questions aux élèves suivants sans aucune hésitation.
- Intéressant ! Avant de nous quitter, pour quelles raisons devrions-nous voter pour vous ?
Mince. Cette question, Caden l'avait oublié, zappé, n'y avait pas pensé un seul instant. Qu'est-ce qu'il allait pouvoir répondre ? Ne rien dire allait tout fiche par terre, alors il fallait qu'il réponde. Il ne pouvait pas finir ce discours par un échec.
Après quelques secondes d'hésitations, il se lança en improvisant.
- La Pension Hina est vraiment superbe. Les élèves, le Directeur, tout le personnel pour ne pas détailler... J'aime vraiment son organisation. J'aimerais simplement qu'on vote pour moi si vous me pensez capable de gagner, pour rien d'autres. Après tout, ce n'est qu'un concours, et chaque personne est influencée par quelqu'un, mais tous les discours se ressemblent, alors je me demande pourquoi je devrais en faire un.
A sa grande surprise, le Directeur lui fit signe qu'il pouvait partir. Il ne devait rien rajouter d'autres ? Il aurait pensé que personne n'aurait apprécié qu'il ne dise pas grand-chose, mais si ça allait...
Il baissa la tête pour saluer pendant que le public applaudissait à nouveau. Il rendit le micro et se sentit à nouveau crispé. C'était comme si le fait de parler l'avait fait prendre conscience qu'il pouvait avoir confiance en lui quand il le voulait.
Ses mains crispées se balançaient dans le vide mais aurait tellement voulu tenir quelque chose. Quand le garçon se retourna enfin, il vit le rideau devant lui. La petite ouverture, celle qu'il allait passer, elle était là pour le sauver de ce cauchemar.
Le temps d'y arriver lui parut une éternité, il entendit même des gens frapper des mains et la musique lui brisait les tympans. Brr. C'était effrayant, pire qu'un film d'horreur dans le noir total.
- Yes ! ça y est, j'ai réussi...! cria-t-il en sueur, arrivé dans les coulisses.
Ouf, c'était bon. Il n'avait plus rien à faire ici. Il repensa alors au pourquoi il avait fait tout ça. Mince. Il avait tout raté pour le défilé. Espérons que cela attire tout de même du monde.
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