Asahi tenait son visage androgyne aux traits doux entre ses mains, regardant avec force l’exercice de physique qui se tenait, menaçant, devant lui. Cela faisait deux minutes qu’il bloquait sur cet exercice et ces deux petites minutes le mettaient dans tous ses états. Ce qu’il n’expliquait pas, c’est pourquoi il n’arrivait pas à résoudre cet exercice alors qu’il avait parfaitement compris le cours... Il soupira longuement. Non pas qu’il détestait la physique, il ne détestait aucune matière, à part les langues peut-être, mais ça ne lui plaisait pas de ne pas réussir un exercice. Surtout quand le professeur disait qu’il était facile...

Il se décida à ranger son cahier et son livre. Peut-être avec un peu de chance, après avoir passé une demi-journée à cogiter, il allait y arriver, qui sait ? Car les exercices venaient tout juste d’être donnés... L’heure juste avant pour être exact. Mais Asahi préférait ne rien avoir à faire le soir, car il était souvent extrêmement fatigué dans ses moments-là. Et puis, il n’avait rien à rattraper par la suite. Mais cela voulait aussi dire qu’il avait un peu de temps et que puisqu’il ne comprenait pas tout de suite, ça irait peut-être mieux plus tard. Ça aurait été beaucoup plus embêtant s’ils avaient eut physique l’après-midi même.

Il prit son agenda avec l’intention de voir s’il y avait d’autres devoirs qu’il devait faire. Il regarda tout d’abord ceux qu’il devait rendre cet après-midi et il vérifia s’il les avait fait jusqu’au bout et correctement. Aucun problème de ce côté. Il s’assura que les autres devoirs étaient également finit, mettant une petite croix à côté des devoirs à chaque fois. Et il arriva de nouveau aux exercices de physique... Soudain, quelque chose fit tilt dans sa tête. Prestement, il ressortit son cahier d’exercices et son livre, son agenda juste à côté. Il regarda l’exercice noté dans le cahier de texte et le numéro de l’exercice qu’il n’arrivait pas à résoudre... Et il soupira de soulagement avant d’effacer l’exercice incomplet. Il s’était bêtement trompé d’exercice à faire ! Il put donc faire le bon exercice et se détendre après ses dures minutes de labeur. Asahi se sentait beaucoup mieux maintenant !

« Faut que ça cesse !!!! »

Asahi sursauta vivement, sautant presque à un mètre de sa place originale, soit le bord de la fontaine... Il tourna la tête vers la source du bruit, soit dans son dos. Il aperçut une jeune fille d’environ sa taille, grelottant, les habits trempés. Il n’eut même pas besoin de penser qu’il attrapait sa serviette de sport et qu’il courrait vers la fille pour mettre le tissus blanc sur sa tête et frotter ses longs cheveux qui s’étaient collés à son corps. Asahi attrapa doucement ensuite le poignet de la jeune fille en l’entrainant vers ses affaires.

« J’ai des vêtements de rechange, il faut que tu te change, sinon tu risque de tomber malade. »

Il n’y avait aucune hésitation dans sa voix, aucune tache rouge sur ses joues. Il n’avait pas le temps de penser au fait qu’il s’agissait d’une inconnue ou à quoi que ce soit d’autre, qui ne soit en rapport à ce que la fille devait se changer. Il regarda rapidement s’il n’y avait personne aux alentours, mais heureusement, non. Asahi la fit s’assoir sur le bord de la fontaine et il sortit des habits de rechange de son sac, une longue jupe rouge, une chemise blanche et une veste rouge et noire.

« Enlève ton haut et sèche-toi avec la serviette. » Lui ordonna-t-il presque, pendant qu’il lui enlevait ses chaussures qui baignaient dans l’eau.

Il ne savait pas ce qu’il s’était passé, il n’avait rien vu, mais il s’inquiétait facilement pour les autres et cette fille ne faisait pas exception, même s’il ne savait rien d’elle. Tout ce dont il était sûr, c’est que pour le moment elle avait besoin de se sécher et qu’elle ne devait pas aller bien pour avoir crier comme ça.

Asahi aida la jeune fille à se vêtir. D’ailleurs, voir cette dernière en soutien-gorge ne lui fit aucun effet, bien qu’il soit un garçon, après tout il était un garçon qui aimait les autres garçons. Alors voir cette fille, qu’il ne connaissait pas, dans une telle tenue ne lui fit vraiment rien, il n’était même pas gêné. De plus, il ne comprenait pas pourquoi la plupart des gens étaient pudiques envers l’autre sexe principalement. Après tout, on naît tout nu et ça ne dérange personne. Mais en même temps, il a vécu dans un orphelinat où tout le monde était à la fois frères et sœurs et en même temps étranger. Grandir dans un tel environnement ne permet pas de comprendre le même mode de pensée que les autres personnes, qui eut ont vécu dans une famille sans personne d’autre qu’il côtoyait, en dehors des amis bien sûr.

« Merci, mais la prochaine fois évite… »

Un regard noir ? Ah bon ? Ou ça ? Parce que franchement, vu la tête qu’affichait Asahi, on n’aurait vraiment pas dit qu’il venait d’en recevoir un. Il avait un grand sourire collé sur le visage. Ses grands yeux vairons regardant avec une gentillesse débordante la jeune fille qu’il venait d’aider.

« Je ne pense pas que je le ferais. Je ne peux pas, c’est plus fort que moi de m’inquiéter pour les autres. »

Asahi rangea ses affaires dans son sac et essora sa serviette bien gorgée d’eau avant de le ranger avec ses livres, après l’avoir mit dans un sac en plastique tout de même pour ne pas mouiller le papier des bouquins. Il se tourna ensuite vers la fille aux longs cheveux noirs. Peut-être qu’il serait mieux d’aller les lui sécher...

« Je m’appelle Asahi Haruko. Est-ce que je peux savoir ton nom ? » « JAMAIS… »

Le jeune homme à la jupe resta interdit devant le cri que venait de pousser la jeune fille. Il ne comprenait pas pourquoi elle avait réagit aussi brusquement à sa question. Mais il comprit qu’elle n’avait pas répondu à lui, mais à quelque chose d’autre, vu comme elle se recroquevillait sur elle-même, et qu’elle se mit à pleurer. Asahi, sans réfléchir une fois de plus, prit la fille qui allait s’allonger sur le sol dans ses bras et la berça doucement, sans vraiment savoir ce qui n’allait pas. Quand il voyait une personne en détresse, s’était plus fort que lui, il ne pouvait s’empêcher de vouloir l’aider d’une manière ou d’un autre, il ne pouvait pas changer cette facette de sa personnalité, même s’il savait qu’un jour ça pourrait jouer en sa défaveur.

Ce n’était pas la première fois qu’il consolait quelqu’un ou qu’il prodiguait ce genre de chose, à l’orphelinat, avant de se faire adopter, les plus jeunes le voyaient comme une grande sœur et ils venaient souvent pleurer dans ses bras. Asahi avait donc beaucoup d’expérience et savait quoi faire pour arrêter les larmes d’une personne. Bien qu’il n’est jamais testé sur une personne aussi âgée, les caresses à prodiguées devaient être les mêmes.

Il commença donc par caresser doucement sa tête doucement, lentement et en silence. Il s’agissait de la première étape. Ensuite, il commença à parler d’une voix douce, racontant tout et n’importe quoi, comment le professeur de maths s’était fait une cruelle réputation en peu de temps, quelles couleurs avaient les feuilles des arbres ainsi que la lumière qui passait à travers. Il fallait qu’il lui change les idées pour qu’elle arrête de penser à ce qui l’avait rendu dans cet état. Il massa ensuite sa nuque avec une main, lui permettant de se détendre. Puis sa main descendit pour lui frotter le dos affectueusement, laissant toujours son autre bras autour d’elle, pour qu’elle puisse se raccrocher à quelque chose de constant.

Normalement, après ça, le calme devait la gagner et tout ses sens seraient ouverts à l’extérieur, ses soucis dans une bulle d’eau qu’elle ne pouvait pas attraper. Asahi ne savait pas si ça allait marcher, mais il espérait que ce serait le cas. Ça le chamboulait profondément de voir les gens pleurer. D’ailleurs, il essuya lentement les perles salées qui avaient fais leurs chemins sur les joues de la fille.

« Ça va mieux ? »

Le tout dit d’une voix douce et basse pour ne pas la brusquer et faire éclater la bulle d’eau qui devait contenir tout ses soucis.

Asahi pensait que sa "thérapie" pour calmer la jeune fille avait fonctionner, bien qu’on ne puisse pas vraiment appeler ça une thérapie, juste quelques mots, paroles et gestes qui avaient pour but de lui permettre de penser à autre chose et faire retomber la tension. Mais apparemment, il s’était surestimé en pensant qu’il était arrivé à la rendre plus détendue, car dès qu’il lui demanda si ça allait mieux, d’une voix douce, elle avait bondit comme un chat sauvage face à un inconnu. Asahi la regarda faire de ses yeux vairons, ne comprenant toujours pas vraiment de quoi elle parlait, ni pourquoi elle agissait avec tant de vigueur.

« POURQUOI ? Pourquoi ça irait mieux ? Tu as réussit à me l’enlever ? A me la retirer ? NON !!!! Alors ça ne va pas mieux ! »

Tout ce qu’avait saisit Asahi dans ce charabia incompréhensible, débité de manière rapide et forte, c’est que la jeune fille en face de lui n’allait toujours pas bien. Le ton qu’employait son aîné lui faisait penser à celui que prenaient les grandes sœurs pour gronder leurs petits frères et sœurs. Cette pensée le fit sourire, c’est donc avec ce même sourire qu’il s’excusa.

« Pardon, ma question a dut te sembler idiote. Si je peux t’aider, dis-le-moi. »

Asahi regarda la personne pour qui il s’inquiétait chercher quelque chose du regard et il la suivit des yeux lorsqu’elle se dirigea vers un lapin pour l’empoigner rageusement, comme s’il s’agissait là de ce qui causait tout son malheur ou toute sa colère. Quelques secondes plus tard, ce même lapin se trouvait dans ses bras. Il était un peu en piteuse état, troué à certains endroits. Le travesti reporta son attention sur sa vis-à-vis. Cette dernière se remit d’ailleurs à crier. Mais elle ne faisait pas du tout peur à Asahi, qui agissait comme si on lui parlait sur un ton normal et calme.

« Ca c’est ma malédiction ou mon DON DE DIEU… Aishi ! Brule le fais en donc ce que tu veux, je ne veux plus le revoir… »

Asahi regarda le lapin, pauvre peluche, qu’avait donc fait pour être ainsi traiter par sa protectrice. Le jeune garçon de dix-sept ans caressa la tête du lapinou de coton.

« Alors comme ça il s’appelle Aishi... C’est un beau nom ! Et je trouverais dommage de le brûler, il est mignon comme tout. »

Son éternel sourire naturel sur les lèvres, Asahi avait toujours du mal à s’en défaire, sauf quand bien sûr les gens le frappait, là son expression devenait neutre, voir même de glace. Mais sinon, il restait le plus souvent souriant, car quelqu’un qui sourit rends plus heureux les gens qui l’entourent qu’une personne qui tire une tronche de trois pieds de longs. Car on dit que la joie est contagieuse.

« Si tu l’abime… Je t’abime… »

Lui dit la jeune fille aux longs cheveux noirs en reprenant le lapin de ses mains, comme si il avait touché à l’une de sept merveilles du monde et que ce n’était pas tolérable. Mais Asahi ne perdit tout de même pas son sourire, espérant que ce dernier, aussi sincère que lui l’était, finirait par calmer la jeune fille ou du moins l’aider à être moins sur les nerfs comme elle semblait l’être depuis tout à l’heure.

« Ne t’inquiète pas, je comprends qu’il soit très précieux pour toi. Tu devrais par contre faire attention ! Certaines personnes pourraient essayer de te le voler juste parce que ça les amusent. »

Asahi avait perdu son sourire avec les deux dernières phrases et affichait un air sincèrement soucieux, autant pour la jeune fille que pour le lapin, aussi étrange que cela puisse paraitre. Des filles de sa classe lui avaient déjà fait le coup de lui piquer son sac pour le planquer quelque part, heureusement il avait finit par le retrouver, mais ça tenait plutôt du miracle dans son cas. Et il se doutait que d’autres filles ou même des garçons puissent avoir une idée semblable si la fille qui se tenait devant elle, les embêtait ou les gênait d’une quelconque manière, même la plus idiote, la plus insignifiante. Et vu qu’elle tenait beaucoup à son lapin, Asahi tenait à la prévenir des risques que cette pauvre peluche pouvait encourir.

Dans son orphelinat, parmi ses "frères et sœurs", il y avait Shichio, un jeune garçon d’une année plus jeune qu’Asahi qui était autiste. Le petit garçon était du genre à piquer de nombreuses crises sans raisons. Personne n’était capable de l’arrêter, mais Asahi ne pouvait pas s’empêcher d’essayer tout de même. Le jeune travesti avait donc eut l’habitude de voir des réactions bizarres pour une raison qui lui était inconnue. Alors quand il vit toutes les choses que faisait Alice ne le surprenait pas plus que ça, c’est surtout qu’il se demandait la cause de ce genre de comportements.

Au moment où Alice plongea sa tête dans la tête l’eau froide de la fontaine, Asahi fut d’abord surpris, pour être ensuite très inquiet. Il allait l’aider à relever la tête quand elle fit toute seule. Elle ne semblait pas vraiment au top de sa forme, elle était bleue pâle et elle ne semblait pas pouvoir rester debout sur ses deux jambes. Asahi resta près d’elle, prêt à l’aider si elle avait besoin d’un soutien. D’ailleurs, ce ne fut pas bien utile, car elle réussit à le repousser, mais chuta à peine une minute plus tard, tombant sur la tête. Asahi, sur les fesses, s’approcha rapidement à quatre pattes jusqu’auprès d’Alice. Son premier reflexe fut de prendre son cou, car il ne la voyait plus bouger. Heureusement, il sentait le sang battre sous ses doigts. Il se dépêcha de se relever et arriva, avec beaucoup de mal certes mais il y arriva quand même, à la monter sur son dos. Tous les deux avaient à peu près la même taille et le même poids, à peu près hein, mais Asahi était un garçon et par définition, il avait génétiquement plus de force qu’une fille qui lui ressemblerait en tous points.

Il arriva plus ou moins facilement à porter Alice jusqu’à l’infirmerie. Là-bas, il la confia à Akihito Satetoki, l’un des trois infirmiers de l’établissement et partit en quatrième vitesse chercher leurs deux affaires : sacs de cours, vêtements mouillés et le lapin en peluche. Il revint ensuite auprès d’Alice. Il ne pouvait désormais plus s’empêcher de s’inquiéter pour elle. A chaque fois qu’il la verrait, dans les couloirs, dans la cours, tout le temps… Même quand elle ne serait pas là sûrement. Il l’avait adopté sans même lui demander son avis. Certains de ses "frères" disaient qu’il pouvait ressembler à un vrai petit chien lorsqu’il s’attachait trop à une personne. Asahi ne pouvait pas vraiment les contredire, il en avait conscience bien qu’il n’arrive pas à changer ce fait, mais il préférait tout de même qu’on le compare à un chat, plutôt qu’à un chien… Question de goût. Et là, il était clair qu’il s’était attaché à Alice comme il s’était attaché au petit Shichio, à cause de l’inquiétude qu’il provoquait chez lui. Etrange raison de s’attacher à quelqu’un, mais c’était bien à son image.