J'avais cours à Tôdai demain, à huit heures pile. Je devais me lever à cinq heures. J'étais au night club à vingt et une heure trente pour me bourrer la gueule. Allez comprendre la logique de mon raisonnement, je m'étais juste fait kidnapper par des connaissances de la même université pour fêter l'anniversaire de l'un d'eux ! Je n'ai pas pu dire non, c'aurait été comme se faire passer pour un solitaire, ce que je ne suis pas. Et puis, je voulais aller au Night Club depuis mon arrivée à Tokyo, n'importe lequel, juste connaître l'atmosphère fêtarde de ce pays. En Croatie, on avait l'habitude d'aller sur la plage, de construire nous-mêmes un toit ou non sur celle-ci, on dansait les pieds dans le sable, on buvait, puis on se baignait dans l'eau, en maillot de bain ou tout habillé, du moment qu'on s'amusait, on s'en foutait. Il faisait chaud mais la brise nocturne semblait frissonnante. Ah, j'aimais bien faire la fête en Croatie, c'était certes simple comparé à ici, mais on était entre amis et on se souciait peu du reste.

Quand les trois autres dont deux filles sont venus me chercher, ils ont tout de suite grimacé. Ils trouvaient que mon look n'était pas assez "classe" pour qu'on me laisse entrer dans les night club. Bah quoi, ils y vont jamais en tong et en short eux ? Bref, un tour dans mon placard, heureusement Reikoku n'était pas là pour voir les trois autres s'asseoir sur son lit pendant que je faisais des essayages. Je me suis retrouvé en chemise noire, cravate pourpre détachée et en jean assez simple. Eh bah, les changements s'opéraient avant même que je n'entre dans leur usine à soirées ! On finit par partir après qu'une des femmelettes se mit sur la pointe des pieds pour passer sa main trempée d'eau dans mes cheveux pour les foutre en arrière, dégageant mon visage, tandis que l'autre enfonça un chapeau noir très simple trouvé dans ma garde robe sur mon crâne.

« Ace, comment tu fais pour être aussi bronzé ?! »
« Ah ça, c’est l’effet de mon pays ! »

J'avais pris un vieil accent étranger pour lui répondre tandis que nous étions assis au bar. Je jouais avec ma boîte de médocs d'une main et laissait l'une des nanas tirer ma joue pendant que j'affichais un air niais. J'avais à peine touché à mon verre de whisky, mais je me résolus à le boire cul sec quand ils finirent par décider de partir ; après tout, on avait un examen demain et eux voulaient réviser toute la nuit tandis que moi, bah...J'allais pioncer quoi et y aller en touriste, à mon habitude ! Ils rirent à mon aveu et on finit par sortir. J'étais soulagé et en même déçu de quitter la boîte...Jusqu'à ce que je foutus ma main dans ma poche pour remarquer que mon flacon de médocs n'était plus là, et que je devais prendre l'une des dites pilules dans moins de dix minutes. C'est-à-dire que je devais ratisser tout le long du bar dans ce labs de temps, en priant pour ne pas avoir perdu la boîte de médocs...Et merde.

C'est donc ainsi que je me retrouvai derrière le bar, à côté de celui qui le tenait, compatissant, à observer le sol et le plan de travail d'un œil embêté. Et c'est là que je l'ai vu...Non pas mes médocs, Shark ! L'air hébété je suis resté immobile tout en l'observant murmurer son enthousiasme quant à la nuit qu'il allait passer, une main sur le visage. Visiblement, il ne m'avait pas remarqué, et je n'allais pas lui en porter préjudice. Si c'était pour qu'on se batte, hum...Pas aujourd'hui, pitié ! J'allais rebrousser chemin quand je vis le petit tube blanc juste au pied de...la chaise où il était installé. Bon, j'ai soupiré avant de rire de la situation, un rire bien caché dans l'incessant brouhaha.

D'un pas décidé je me suis ramené devant Shark et me suis accoudé au comptoir, sourire aux lèvres.

« Quel enthousiasme Shark, ça fait plaisir à voir ! »

Je partis à nouveau d'un rire peu fiable en plissant les yeux, avant de toussoter en remarquant qu'il ne riait pas avec moi. En même temps, à quoi je m'attendais, à par un sourire sadique ? Je ne crois pas que j'aurais eu plus...J'ai toussé un peu, à nouveau, les yeux fixés sur le flacon que j'ai montré du doigt, en demandant d'un ton détaché :

« Bon je ne te dérange pas plus, tu peux juste me passer vite fait le truc à tes pieds s'il te plaît ? Je m'enfuis vite fait après ! »

Évidemment, je me méfiais de Shark, et de ses coups certes amusants qu'il me faisait, mais voilà...Là je priais pour qu'il ait assez bu pour ne pas me briser l'objet désiré, ou bien ma gueule...Réflexion faite, est-ce qu'il pouvait faire les deux ?! N'y pensons pas, ça porte malheur ! En tout cas, le whisky me montait à la tête, je ne tenais vraiment pas l'alcool. Sourire aux lèvres, j'attends patiemment, en réalité je bouillonnais à l'intérieur, tout en priant. Eh, je ne suis pas une poule mouillée...Quand vous serez face à un mastodonte qui veut en partie votre peau pour s'en faire un pagne, vous comprendrez ma situation !

Je bus mon verre entier avant de poser ma tête sur la paume de ma main en soupirant. Ma motivation pour m'éclater pendant cette soirée avait disparu, maintenant, je n'avais qu'une envie c'était de retournée au pensionnat, quoique... Non, pas là-bas. Enfin autre part, dans un parc seul et tranquille. Ouais, c'est pas du tout le type d'endroit que j'aime fréquenté mais pour se reposer c'est plutôt cool. Je recommandai un deuxième verre en fronçant légèrement les sourcils ; ce n'est pas si entraînant quand on a plus la volonté, en fait, c'est même chiant, agaçant. Olà, faut que je me bouge là après, sinon je sens que je ne vais faire que boire et dormir sur le comptoir. J'observai longuement le barman d'un air endormi : il était plutôt beau, il avait les cheveux court et brun et des yeux marrons à mon avis, il devait se ramener chaque soirs des filles dans son lit. Celui-ci me dévisagea un instant, s'inquiétant dans la manière dont je le regardais. Alors je pris un air énervé pour qu'il se chasse toute idée de la tête. Bref, je jetai rapidement un oeil sur le côté, observant les personnes qui se trouvaient autour de moi à la va vite. Oula, seulement au deuxième verre et je commence déjà à halluciner ? Je n'avais pas ce genre d'effet pourtant. Non, j'dis ça parce que j'avais cru voir A... ce connard. Je retournai rapidement ma tête du côté où il me semblait l'avoir vu. J'ouvrais grand mes yeux lorsque je l'aperçus plus près qu'à son tabouret, carrément à côté de moi. Pu....Putain il a faillit me flanquer la trouille on dirait qu'il s'est téléporter rapidement l'mec. Mais c'pas possible. Je dois rêver là. Qu'est-ce que j'avais dit tout à l'heure déjà ? Que j'ai pas à tout le temps croisé des cons ? Ah, mais ouais bien sûr... Bah il semblait que le destin voulait vraiment que l'un de nous crève. Je le croise dans la rue, c'est un inconnu, puis à Hina, puis en boîte, attend, faut pas déconner quoi. Qu'est-ce qu'on à contre moi à la fin ? J'AI LA POISSE OU QUOI, MERDE ! Je tenais fermement mon verre en le regardant de travers pendant qu'il s'accoudait au comptoir.

« Quel enthousiasme Shark, ça fait plaisir à voir ! »

Et il se mit à rire. Un rire que je détestais, encore une de ses ironies pouraves et de ses blagues à la con. Je le fixai dans les yeux et le foudroyai du regard en grognant, ne rigolant absolument pas. Il me cherchait là, vraiment, il me cherchait. Pourquoi il s'est pas barré dans la piste ou autre, lorsqu'il m'a vu ? Mais non, bien sûr, il veut certainement me provoquer pour que je me bats et pour qu'on me fasse sortir de la boîte pendant que lui se réjouit de sa victoire. Haha pas mal trouver, pauv'con. Mais tu ne gagneras jamais.

- Fais gaffe, j'ai l'alcool mauvais.

Dis-je froidement en tournant légèrement la tête tout en l'observant du coin de l'oeil. Il toussa quelque instant pour finalement pointer du doigt je ne sais quoi sous le tabouret. Je penchai légèrement la tête pour voir ce qu'il me montrait, lorsqu'il reprit la parole :

« Bon je ne te dérange pas plus, tu peux juste me passer vite fait le truc à tes pieds s'il te plaît ? Je m'enfuis vite fait après ! »

Je me dégageai rapidement du tabouret pour attraper le petit flacon, et me rassis tranquillement. Je ne lui rendis pas directement. En fait, je n'allais pas lui rendre tout court. Haha, non mais sérieusement, à quoi il s'attendait ? Il croyait vraiment que moi, SHARK, sensé être son ENNEMI, et que j'éprouve une grande HAINE envers lui, j'allais lui rendre tout gentiment même s'il me fout la paix pour cette soirée ? Mais aller, même pas en rêve. Je le regardais en secouant le flacon en l'air coincé entre mes doigts. Un sourire narquois se dessina sur mes lèvres. Je pense, qu'à partir de là, il avait clairement comprit le message.

- C'est bête, ce machin était à mes pieds. Tu as l'air d'y tenir dit donc...

Je marquai une pause tout en le regardant longuement, de quoi le faire stresser, et lis ce qu'il y avait écrit, ne comprenant rien au premier mot, j'abandonnai rapidement. Je savais néanmoins que c'était des médocs. Des médicaments ? Il avait un problème de santé ? Je le regardais d'un air intrigué pendant quelques secondes. C'est con, il a quoi lui ? J'espère que ce n'est pas très grave... Avec qui je vais pouvoir me défouler réellement sinon ? Il était la personne que je préférais le plus faire chier. Bon, je ne souhaitais pas sa mort non plus même s'il a couché avec ma meuf, parfois je fais idem avec les nanas d'mes potes, quoique parfois ce salaud le mérite et souvent j'ai des envies de meurtres. Parce que ce qui m'appartiens, il ne faut jamais y toucher. Bref, en tout cas, je préférais le coincé en boîte, apparemment il semblait être presser de partir - ça devait même l'arranger - mais moi, le gentil petit loup que je suis, j'allais faire tout l'inverse. Aller, il allait me tenir compagnie.

- Qu'est-ce que je pourrai en faire ? Le jeter au milieu de la piste avec tout ces danseurs ? L'écrasé en mille morceaux ? Rah, je sais pas...

Je rangeais finalement le flacon dans ma poche. Il pouvait tenter de la récupérer mais ça lui coûtera son bras, mes réactions sont plutôt rapide, haha. Je commandai encore un verre, tout en regardant Ace d'une manière vicieuse. Je ne rends pas facilement les choses, voir même, je ne rends rien du tout. Je bus une gorgée de mon verre pour finalement me lever et me diriger vers les toilettes.

- J'ai envie d'pisser.

Dis comme ça, j'étais totalement hors sujet. Mais en fait, c'était surtout un sous-entendu pour insinuer que j'allais jeter son flacon aux chiottes et tirer la chasse d'eau. Je riais légèrement et j'entrai. Mais peut-être qu'il n'avait rien comprit, c'est vrai, il était con après tout.

Non...Il n'allait pas oser ? Remarque, pourquoi me posais-je la question ? Je ne devais pas m'étonner de Shark, après tout, son prénom même le désignait comme le pire spécimen à branchies au monde, qui utilisait tous les moyens possibles pour arriver à ses faims. Oui, faims. Non, ce n'est pas une faute, juste une blague pourrie histoire de faire rire, visiblement ça ne marche pas. Mais bon, pour moi-même et parce que je stresse car dans cinq minutes, je vais peut-être baigner dans mon propre sang, je me fais rire. Ah, vous ne saviez pas ? Avec médicaments, le risque de faire une hémorragie interne est d'environ dix pour cent. A partir de la première minute où je n'ai pas pris mes petites pilules, multipliez ce risque par deux, toutes les cinq minutes. C'est-à-dire que cela me posait un problème, un gros problème, et que je n'étais alors pas du tout, mais alors, du tout d'humeur à m'amuser avec mon interlocuteur, ni même à subir sa colère et sa vengeance...Je ne tenais pas à jouer avec ma propre vie, merci. Oui j'ai l'air d'un idiot comme ça, j'en suis un, mais pas un grand imbécile au point de me marrer de ma possible mort !

Donc, cela me posait un sérieux problème s'il ne me rendait pas mon petit flacon, et vu comment il se dirigeait dans les toilettes, ce n'était pas pour aller pisser, loin de là. J'ai soupiré, perdant un peu patience. J'aimais bien Shark, à l'accoutumée, enfin...Non, je ne suis pas masochiste, mais pour ma part je m'amusais avec lui, avec sa façon d'agir, et je ne me mettais jamais réellement en colère. Pourtant, il valait mieux lui mettre les points sur les "i". Je l'ai donc suivi dans la foule, puis le contourna pour lui bloquer l'accès aux toilettes, ôtant mon sourire pour tendre la main, tout à fait sérieux.

« Shark, je ne veux pas jouer là, alors rends-moi ce flacon s'il te plaît ! J'en ai besoin, et je ne veux pas qu'il fasse l'objet de ton amusement, tout ce que tu veux, mais pas ça. »

Oui, ce que je disais pouvait mieux m'enfoncer qu'autre chose, je m'en rendais compte. Lui dire que ce flacon m'était indispensable et lui bloquer l'accès à la pièce n'étaient pas la meilleure solution, néanmoins, je préfèrais l'avertir des risques, et espérais qu'il agisse en adulte responsable...Dis celui qui n'agit pas réellement comme un adulte. Non mais heu...J'assume ! J'ai remué les doigts de ma main tendue comme pour l'inciter à me rendre mon dû, l'oeil sérieux, planté dans le sien. Je n'avais ni envie qu'il joue avec ça, ni envie de le récupérer par la force, alors prions seigneur, pour qu'il me le rende sans trop d'histoire. Ou prions Satan, peut-être qu'il sera plus puissant contre Mr.Dents de la mer.

« Allez Shark, franchement ton jeu n'est pas drôle ! »

L'alarme de mon téléphone sonna, vibrant contre ma cuisse. Bip bip bip !...Et merde.