Sujet: Des notes et des notes de musique. [PV Micha] Lun 14 Jan - 0:46 | |
| Invité La musique de l'esprit ne s'entend jamais avec celle de l'âme. ~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ Rien ne me prédestinait à venir ici. Je ne suis venue pour aucune raison. Je pourrais écrire une liste d'endroits où j'aurais pu aller au lieu d'ici, mais ce n'est ni l'envie ni le temps qui m'est donné. J'avais regardée longuement, d'un air dubitatif, la cafétéria, me demandant sans cesse si j'avais réellement faim, si j'avais vraiment envie de manger l'un de ces repas ignobles qu'ils servent le mercredi soir. Si, ce soir, j'avais le goût de délaisser ma faim, d'ignorer mon estomac qui était silencieux, pour aller faire autre chose de bien plus constructif. De toute manière, la salle dînatoire était remplie, à cette instant, d'oiseaux bêtes et ridicules; d'élèves turbulents, bruyants et absurdes. Les vautours, toujours aussi bienveillants à leur hypocrisie, surveillaient les gens présents dans la cafétéria, alors que les pigeons déguisés en paons se prenaient pour d'autre. Je n'avais nullement l'envie ni le désir de m'asseoir parmi ces gens volatiles. D'être entourée de toutes ces volailles ne m'est guère plus joyeux que d'être seule, à me promener dans les corridors, comme une ombre, comme un corbeau solitaire.
À chacun de mes pas, les bruits semblaient s'effacer. Les sons s'éloignaient et le silence approchait, lentement, mais sûrement. Le tintement de mes talons-haut résonnaient sur le sol glacial de cette partie du pensionnat qui était, étrangement, déserte. Ce calme plat me rassurait en même temps de m'énerver. Les endroits les plus reculés sont souvent les plus intriguant et se retrouver dans ces lieux est souvent synonymes de paix, de recul. C'est, ma foi, étrange que personne ne s'y aventure. Alice n'a pas suivie le lapin blanc sans raisons. Chaque humain a, en lui-même, un besoin de découvrir, d'explorer et de se perdre. Car c'est lorsque l'on se perd que l'on se trouve. Dans la perte, nous arrivons à voir une part de nous qui nous était, jusqu'alors, inconnue. Les murs qui m'entourent me sont presque invisibles, inexistants. L'espace est si grand qu'il aurait presque été aussi esthétique de ne mettre aucuns murs, laisser le corridor libre de limites. Ainsi, il nous aurait été possible de voir ce que contenait chaque pièces, chaque recoins. Des murs de vitres auraient aussi bien fait l'affaire et nous aurait ainsi éviter de devoir ouvrir les portes et les refermer, créant du bruit inutile, comme toujours.
D'ailleurs, ce n'était pas nécessairement le contenue des pièces qui m'intéressaient, mais bien la porte. Une simple porte, oui, mais c'était l'équivalent d'une frontière entre le corridor et un monde encore inconnu. Le lieu m'étant peu familier, je comprenais ma curiosité à pousser cette porte, cette grande porte, trop haute, trop décorée. Des autocollants avaient été collés sur les contours, des mains avaient été peinturées et des notes de musiques avaient été sculptées pour être ensuite clouées aléatoirement sur le bois dur de la porte. Cette grande porte. Cette porte mystérieuse, cette porte intrigante. Cette porte que j'ouvrais. Tournant la poignée lentement, comme si elle était pour me désintégrer dans la main, je poussais doucement la porte. Je n'osais toucher le bois, ni les décorations, de peur de déplacer quoique ce soit. C'était comme laisser une trace de mon entrée involontaire dans cette pièce qui m'attirait et me repoussait, comme ce coin de l'école. Je ne désirait pas que tout le monde sache qu'une étrangère avait empiété dans cet endroit sûrement dédié à un programme précis.
Mes talons résonnaient dans la pièce silencieuse. Agréablement tranquille et vide. Je n'allumais même pas les lumières, la salle étant déjà éclairée par la faible lueur venant de l'extérieur. Pendant plusieurs secondes, je restais là à contempler l'immense vitrail, séparés en plusieurs partie colorés, avec la vue qui donnait directement sur la cours extérieur. Étant située au deuxième étage, il m'était rassurant de ne pas voir les élèves qui traînaient dehors. La soirée était encore jeune et les adolescents de notre âge ne dormiront pas avant un bon moment, ce qui explique pourquoi plusieurs sortent, profitent. Mais qu'advien-t-il de moi? Ici placée, je fixe l'extérieur, préférant nettement le silence de cette salle au bruit incessant des endroits populaires. L'insonorisation rend très certainement l'acoustique grandiose. Je me tourne dos à la cours, admirant les alentours. Entre ces murs décorés, ces lumières originales et ces tableaux remplis d'écritures diverses, chacune écrites en cette langue merveilleuse qu'est le japonais, il y avait des instruments de musique. Sans le savoir, j'étais entrée dans cette salle de musique. Ce lieu qui devait inspirer plus d'un artiste. Il est vrai que la salle avait une atmosphère artistique, un semblant de mélodie flottait dans l'air. Je pris une grande inspiration, me redressant pour aller circuler entre les instruments. Je remarquais que, tapis dans l'ombre, se trouvait une petite salle de pratique. Intriguée, je m'approchais à petits pas, dans le plus complet des silences.
Je m'orientais habillement jusqu'à la petite pièce, mais, avec maladresse, je posais ma main sur les touches froides d'un piano sagement silencieux. La faiblesse de mon erreur fut cependant assez forte pour faire résonner le marteau sur les cordes de l'instrument. Un bruit grave, une mélodie sec et cassante. De courte durée, mais avec un impact telles des cymbales à un enterrement; là où le bruit n'a pas sa place. Le silence troublé, je m'arrêtais et fixais l'instrument, avec la plus plate indifférence. Ce son, bien que grave et complètement hors contexte, m'attirait. Cet instrument, en lui seul, avait la capacité de retourner mon âme, de faire envoler des papillons noirs dans mon estomac. Laissant le bruit s'estomper, je glissais mes doigts sur les touches inertes, admirant silencieusement. Les touches noirs surmontaient soigneusement les blanches de toutes leurs grandeur. Les cordes visibles de l'instrument qui tremblaient encore. Le couvercle qui était proprement levés, laissant l'intérieur du piano complètement à vu. On pourrait comparer la chose à un mannequin d'anatomie. Visiblement, l'extérieur est banal, mais si on apprend à comprendre l'intérieur, les entrailles, on comprend le fonctionnement complexe et intrigant de l'instrument. Il ne s'agit pas simplement de savoir lire une mélodie, mais bien de la vivre. De suivre la musique comme si elle faisait partie de notre âme, de notre corps. Comme si elle avait été en nous tout ce temps, sans jamais nous dévoiler son existence.
Je laissais mes bras tomber de chaque côtés de mon corps, regardant encore quelques secondes le piano pour ensuite tourner les talons, n'oubliant pas ma quête première. La petite pièce du fond. L'énigme aussi grande que le trou du lapin qui attira la blonde. Arrivée enfin dans le cadre de porte de la salle miniature, je comprenais sa raison d'être. C'était un lieu où s'entraîner pour le chant. Un microphone assez moderne était accroché à un fort système de câbles qui conduisait à un haut-parleur. Cet appareil devait certainement avoir comme mission de transmettre la voix, sûrement mélodieuse, de la personne afin que celle-ci l'entende. Assez altruiste comme invention. S'entendre soi-même afin de mieux se corriger. Sous le micro se trouvait un piano, encore. C'était tel que cet instrument était part de chaque mélodie créée en ces lieux.
Sur le siège se trouvait quelques feuilles agrafées ensemble. Des écritures remplissaient les lignes, des écritures illisibles de l'endroit où j'étais située. Bien entendu, je n'avais guère envie de lire les mots d'une autre personne. Car, certainement ces papiers avaient été oubliés, par mégarde, ici. Vu leur position maladroite, je doute fortement que leur propriétaire les ai laissés ainsi volontairement. Prenant encore une fois toute la lenteur du monde, je m'approchais des feuilles en question. Ça semblait être des mots. Des mots sous-lignés, barrés et entourés. Des notes, sûrement. Cependant, en m'approchant, je vis, dans l'éclairage prodiguée par la petite fenêtre teintée, que c'était des paroles de chansons et non de banales notes de cours. Les figures de style comblaient les feuilles autrefois vierges dans toutes leurs splendeur. Sans nécessairement lire, mes yeux survolaient les mots. Poétique, quoique contemporain, les paroles prenaient en intensité jusqu'à chaque fin de cœur. Le refrain, quant à lui, était a moitié achevé. Seules des partie de mots y était écrit, laissant un mystère planer pour ce morceau de la chanson. De ce que je voyais, l'auteur de cette chanson avait un réel talent pour ce qui était de trouver des rimes.
Prenant, avec extrême délicatesse, les feuilles dans mes mains, je remarquais qu'il manquait encore un titre à la création. L'espace vide du haut, entourés de plusieurs flèches, m'indiquai que l'inspiration n'était pas encore venue pour ce qui est du nom de l'œuvre. M'asseyant silencieusement sur le siège, je contemplais la feuille. L'écriture bâclée qui rendait, par moment, la lecture impossible, autant que les petits gribouillis de notes de musique qui remplissaient les marges. L'auteur était donc un auteur compositeur et j'en déduisais, par l'endroit où se trouvait les feuilles, qu'il, ou elle, devait aussi jouer, ou du moins chanter, la mélodie qu'il avait composé. Les lumières étaient pourtant éteintes et les corridors vides. Je doutais que l'auteur ne revienne de si tôt chercher sa création. Création qui, d'ailleurs, avait énormément de potentiel. « La musique, c'est du bruit qui pense. » Victor Hugo |
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